A Nantes, des chiens aident les femmes détenues à exprimer leurs émotions

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Par Fanny ANDRE - Nantes (AFP)
Publié le 20 février 2019 - 09:22
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Maison d'arrêt pour femmes de Nantes, le 14 février 2019
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Maison d'arrêt pour femmes de Nantes, le 14 février 2019
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"On est dans neuf mètres carrés, même si on ne bouge pas, qu'on ne travaille pas, on est fatigué. La seule chose qui nous apaise, c'est ça", lâche Sarah en désignant deux chiens qu'elle vient de caresser longuement pendant une activité à la maison d'arrêt des femmes de Nantes.

"Betty, elle va vers les personnes qui ne sont vraiment pas bien, elle est comme ça", poursuit la quinquagénaire pour dire sa reconnaissance à la chienne, une bergère australienne de 22 kilos, venue se blottir à ses pieds alors qu'elle avait un coup de chaud.

Pendant qu'une surveillante apporte une poignée spéciale pour ouvrir la fenêtre obstruée de barreaux, Aurélie Vinceneux, intervenante en médiation animale, s'approche.

"Il y a des choses qui te tracassent en ce moment?", demande-t-elle à Sarah.

Les deux femmes poursuivent leur conversation, à l'écart du groupe qui discute d'amour et d'estime de soi autour de Gandhi, le petit Shetland de sept ans qui se laisse docilement pouponner.

"En prison, il y a de sacrées carapaces, ce sont des personnes qui ne sont pas souvent allées voir un psychologue pour parler d'elles", commente Mme Vinceneux.

"Le fait de commencer par parler du chien, ça désamorce les mécanismes de défense", constate la jeune femme qui a réuni ses passions pour la psychologie et les animaux en créant "Cœur d'Artichien". Depuis 2016, l'association est présente tous les jeudis après-midi auprès des femmes emprisonnées à Nantes.

- "Comme si j'étais dehors" -

Pour Nathalie, qui espère être libérée d'ici la fin de l'année, le temps passé avec les chiens c'est "comme si j'étais dehors quelque part, et je trouve ça très bien".

Elle essaye de venir chaque semaine, quand ses horaires de travail le permettent, car "les chiens nous apportent de la chaleur, de la gaieté". Le contact avec Betty et Gandhi lui est d'autant plus précieux lorsqu'elle se sent "lasse d'être là, parce qu'au bout d'un moment, on en a marre d'être enfermé, il ne faut pas se leurrer".

L'idée de cette médiation animale, qui se décline avec des chiens, des chevaux ou des rongeurs dans d'autres prisons, est venue de deux femmes détenues après plusieurs suicides et tentatives de suicides dans l'établissement.

"Depuis, il n'y a eu aucun passage à l'acte", indique Eric Baudoin, officier pénitentiaire à la maison d'arrêt des femmes. Il se réjouit que l'activité permette parfois d'amorcer un dialogue avec des personnes "qui se réfugient dans le mutisme".

L'enjeu est de "poser un jalon dans le temps pour une personne qui n'a pas plus de repères" et de lui permettre d'"aller de jour en jour".

Ainsi, si l'atelier consiste à réunir un petit groupe de volontaires autour d'un conte ou d'un jeu, Aurélie Vinceneux se déplace aussi occasionnellement dans les cellules.

- "Mes chiens sont allés lécher ses larmes" -

Elle se souvient d'une femme "qui pleurait toute la journée, dans son lit".

"Quand je suis allée la voir, elle m'a parlé de son Cavalier King Charles qui vivait à l'extérieur, qui lui manquait, et mes chiens sont allés lécher ses larmes parce que moi, je n'avais même pas de mots face à cette grande détresse, et pourtant je suis psychologue", raconte Mme Vinceneux.

Les inquiétudes liées à des animaux restés à l'extérieur sont omniprésentes dans les conversations.

"Mon chat est très proche de mon fils et il est avec mon fils, mais mon chien est beaucoup plus proche de moi, donc mon absence lui pèse", raconte ainsi Méli pendant un échange avec d'autres détenues.

Selon elle, partager un intérêt pour les animaux permet de créer de nouveaux liens. "Le groupe qui est là n'est pas forcément le même qu'en promenade par exemple", explique Méli.

Eric Baudoin y voit lui un moyen de faire accepter des personnes qui font l'objet d'un rejet collectif, notamment lorsqu'elles sont emprisonnées pour infanticide.

L'atelier donne donc satisfaction à l'administration pénitentiaire, qui après deux années de financement par la fondation Adrienne et Pierre Sommer puis la fondation Affinity, devrait lui allouer un budget.

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