Paris : des élus dorment dans la rue pour "alerter" sur le sort des sans-abri

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Par Guillaume DECAMME - Paris (AFP)
Publié le 01 mars 2018 - 01:58
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Des élus d'Ile-de-France dans la rue à Paris le 28 février 2018 pour alerter sur le sort des sans-abri
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© Philippe LOPEZ / AFP
© Philippe LOPEZ / AFP

"J'ai un tapis de sol, deux sacs de couchage et une couverture", énumère Anne Lebreton, alors que des flocons s'écrasent sur sa doudoune. Comme une trentaine d'élus franciliens, cette adjointe au maire du 4e arrondissement de Paris va passer la nuit dans le froid d'une rue parisienne pour alerter sur le sort des sans-abri.

"Oui, il va faire froid cette nuit, mais nos vies à nous ne sont pas plus importantes que celles des SDF", martèle Mama Sy mercredi soir. La jeune élue (sans étiquette) d'Etampes (Essonne), est à l'origine de l'appel aux élus de tous les bords politiques à dormir dehors aux côtés des sans-abri de la capitale.

Autour d'elle, au point de rendez-vous sur un quai de la gare d'Austerlitz, ils sont une trentaine d'élus locaux d'Ile-de-France, écharpe tricolore en bandoulière, à taper de la semelle pour se réchauffer.

A l'image d'Ali Idelouali, élu (EELV) de Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne. "On ne peut pas continuer à regarder les SDF comme s'ils étaient un simple élément du décor", s'indigne-t-il.

Mama Sy entend "alerter" aussi bien l'opinion publique que les responsables politiques sur les sans-abri. Et de rappeler que "20 personnes sans domicile fixe sont mortes en Ile-de-France depuis début janvier". A Paris, au moins 3.000 sans-abri ont été comptabilisés la nuit lors d'un récent recensement organisé par la mairie.

Face aux températures glaciales, le plan Grand Froid pour l'hébergement des sans-abri a été décrété et plus de 1.900 de places supplémentaires ont été créées à Paris.

"Il faut des solutions pérennes, je pense par exemple à la réquisition de bâtiments publics vides", explique Mama Sy.

Le thermomètre affiche un paresseux -2 degrés, la neige qui a fortement perturbé les trafics routier et aérien dans le sud du pays dans la matinée est remontée jusque sur les bords de Seine.

- 'Le temps d'une vie' -

Entre les crissements de frein d'un train en provenance d'Orléans et le fracas des travaux de rénovation, le petit groupe et la nuée de journalistes sort de la gare d'Austerlitz et se dirige vers le Jardin des Plantes tout proche.

Un SDF est emmitouflé sous plusieurs couvertures dans la rue Buffon. Une poignée d'élus tentent de lui glisser quelques mots de réconfort. L'homme, visiblement excédé par la présence des journalistes et des caméras, leur lance: "arrêtez de filmer! arrêtez votre cirque!"... et jette une salière dans leur direction.

Au plan politique, l'action ne fait pas l'unanimité. "La responsabilité d'un élu de la République n'est pas d'aller dormir dans la rue pour faire +plus vrai+, mais de trouver des solutions pour sortir ceux qui y sont", a réagi le groupe PPCI (Parisiens Progressistes, Constructifs et Indépendants, pro-Macron ex-LR) du Conseil de Paris.

Pas dépitée, Anne Lebreton, l'élue (LREM) du 4e arrondissement, assume de prendre le problème des sans-abri "à bras-le-corps". Quant au "buzz médiatique, c'est très important. Regardez ce que l'Abbé Pierre a accompli grâce au buzz médiatique", dit-elle.

Un peu plus loin, peu avant minuit, à l'entrée du Jardin des Plantes, Abdelsalem Hitache, élu municipal (Modem) au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, a déroulé son duvet. A ses côtés, Philippe, membre de l'association "Un coeur, un toit" qui a passé dix ans dans la rue, lui raconte "le froid, les agressions et puis les rats".

"Pour nous, la rue c'est le temps d'une nuit, pour (les SDF) c'est le temps d'une vie, de 20 ans, de 10 ans", soupire M. Hitache.

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