Patiente décédée à Lariboisière : l'enquête interne montre "dysfonctionnements" et manque de moyens

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Par Aurélie CARABIN - Paris (AFP)
Publié le 14 janvier 2019 - 18:18
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Surveillance défaillante, salle d'attente surchargée, sous-effectif... La patiente retrouvée morte sur un brancard en décembre, 12 heures après son admission aux urgences de l'hôpital parisien Lariboisière, est décédée après une "série de dysfonctionnements" dans un service qui cumule les difficultés, selon l'enquête interne rendue publique lundi.

Le rapport commandé par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France ne précise pas les causes du décès de la patiente de 55 ans, qui relèvent de l'enquête judiciaire lancée parallèlement par le parquet de Paris.

La famille de la victime a déposé plainte lundi pour "homicide involontaire" et "non-assistance à personne en danger", a indiqué à l'AFP l'avocat Eddy Arneton, constatant que l'AP-HP "ne reconnaît pas de défaillance".

L'enquête interne révèle en revanche plusieurs manquements aux procédures en vigueur dans le service d'urgences le plus fréquenté de l'AP-HP.

Souffrant de céphalées, selon diverses sources, la patiente, qui "n'aurait pas pu être reçue" dans un centre médico-social, est déposée aux urgences par les pompiers à 18H40, le 17 décembre.

Elle est reçue par une infirmière 10 minutes plus tard, "classée niveau 3" sur une échelle allant jusqu'à 5 pour les cas les moins urgents, et orientée dans une salle d'attente, conformément "aux procédures du service et aux recommandations nationales".

Installée sur un brancard, la patiente est vue par une infirmière, à 19H00 puis avant 21H00. Ensuite, aucune réévaluation de son état n'est effectuée jusqu'à minuit, heure à laquelle elle est appelée pour la première fois, plus de cinq heures après son inscription, afin d'être examinée.

Appelée à quatre reprises au total, dont deux fois dans la salle d'attente "surchargée", la patiente ne répond pas, peut-être en raison du nom erroné sous lequel elle a été enregistrée. A 1h18, elle est considérée comme étant partie, "sans vérification des bracelets des malades en attente".

Selon un document issu du dossier médical cité par Me Arneton, la quinquagénaire aurait pourtant été vue "vers deux heures du matin" par un cadre infirmier et une aide-soignante - à qui elle se serait à nouveau plaint de maux de tête.

Contactée, l'AP-HP a indiqué à l'AFP que cet élément n'a pas été mentionné dans le rapport final car la personne qui avait rapporté ce point a ensuite expliqué qu'elle s'était trompée, à cause d'une confusion entre deux patientes.

- "Réflexion nationale" -

Quoi qu'il en soit, le rapport de l'AP-HP évoque des "écarts aux bonnes pratiques" survenus "dans un contexte où l'activité", avec 249 passages, "était supérieure à la moyenne", de 230 passages par jour environ.

Les équipes soignantes étaient au complet ce soir-là mais l'absence d'un médecin en journée a entraîné "une surcharge sur l'activité de garde".

Le ratio des effectifs médicaux au regard de l'activité est inférieur à celui" des autres urgences de l'AP-HP. Malgré plus de 85.000 passages par an, les urgences de Lariboisière ne comptent que 23,5 postes de médecins à temps plein, un chiffre qui doit passer à 24,5 en février, encore loin de la moyenne de l'AP-HP (28) et des 32,4 recommandés par les professionnels.

En outre, l'établissement du Xe arrondissement, à proximité de la gare du Nord, accueille de "nombreuses personnes précaires en détresse" et les paramédicaux croulent sous les tâches administratives.

Autre problème, la "surface" et le nombre de boxes d'examen insuffisants contribuent à l'engorgement du service.

Les auteurs du rapport formulent une dizaine de recommandations pour Lariboisière, qui en a déjà appliqué certaines, en affectant par exemple un aide-soignant à la surveillance des patients en salle d'attente la nuit, ou en testant l'intervention du Samu social "deux à trois nuits par semaine" pour trouver un hébergement aux personnes dans le besoin.

Les cinq principaux syndicats de l'AP-HP (CGT, Sud, FO, FCDT, CFTC) ont déploré dans un communiqué commun "qu'il ait fallu ce drame pour que la direction s'engage enfin sur les réponses à apporter aux situations de crise subies et dénoncées".

Au-delà du cas de Lariboisière, le rapport appelle à une "réflexion nationale sur la définition de normes relatives aux moyens nécessaires" dans les services d'urgences.

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