Pédophilie dans l'Eglise : huit ans de prison requis contre l'ex-père Preynat

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Par Myriam CHAPLAIN RIOU, Pierre PRATABUY - Lyon (AFP)
Publié le 17 janvier 2020 - 16:12
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Au moins huit ans de prison ferme ont été requis vendredi à l'encontre de l'ex-prêtre Bernard Preynat, jugé à Lyon pour une vieille affaire d'abus sexuels emblématique de l'omerta de l'Église sur la pédophilie. Une peine "démesurée" pour son avocat.

Le tribunal rendra sa décision le 16 mars dans ce dossier "hors du commun" selon la procureure, Dominique Sauves.

"Ce n'est pas le procès d'une lâcheté collective ou d'une institution mais celui d'un homme qui avait mis en place sa propre structure pour répondre à ses pulsions car il avait besoin de disposer d'un vivier varié et toujours alimenté de petites victimes", a dit la magistrate.

Elle accuse le prévenu d'avoir "brisé" les vies de scouts âgés de 7 à 15 ans au moment des faits, et de s'être "servi du silence des parents et du silence de l'Église" pour multiplier ses abus entre 1971 et 1991.

Assurant que l'ancien curé, défroqué l'été dernier à l'issue de son procès canonique, "a conscience du mal qu'il a fait", Me Frédéric Doyez a appelé le tribunal à prendre une décision qui le remette "dans la communauté des hommes, à une place qui est celle que l'on occupe quand on a 74 ans et qu'on est malade".

Ce procès était très attendu depuis que l'affaire a éclaté fin 2015, quand des plaintes ont enfin été déposées, éclaboussant la hiérarchie catholique à travers le cardinal Philippe Barbarin, condamné l'an dernier pour ses silences sur l'affaire.

"Dieu merci nous y sommes", a dit la magistrate au début de son réquisitoire durant lequel l'ex-prêtre est resté impassible, figé sur sa chaise et regardant droit devant lui, comme pendant toute l'audience.

"Je m'excuse auprès des victimes, de leurs familles, des autres prêtres, du diocèse et de toute l’Église que j'ai salie par mes agissements", a déclaré le prévenu à la fin, réaffirmant que "depuis 1991", il a été "fidèle à la promesse faite à Mgr Decourtray", l'archevêque de l'époque, en ne touchant plus aucun enfant.

- Pardon "mécanique" -

À la barre, barbe blanche et carrure toujours imposante, l'homme a demandé pardon aux neuf victimes venues témoigner de leurs souffrances - de nombreuses autres n'ont pu porter plainte du fait de la prescription.

Un pardon "mécanique", sans empathie manifeste, qui a d'autant moins convaincu les parties civiles que le prévenu, s'il reconnaît la plupart des abus qu'on lui reproche, en a démenti certains et minimisé d'autres.

Pour la procureure, "il a écouté les souffrances des victimes mais il ne les a pas entendues".

Cet abuseur en série dont le nombre de victimes potentielles donne le vertige - jusqu'à "quatre ou cinq enfants" par semaine durant les camps d'été, a-t-il admis - avait beaucoup d'emprise sur son entourage qui l'adulait.

Au tribunal, ses victimes ont fait le récit, glaçant et poignant, des attouchements, baisers sur la bouche et masturbations qu'il leur imposait.

"Je revis toutes les sensations, son odeur", a confié Anthony Gourd, qui a souffert d'amnésie traumatique et se souvient, peu à peu, depuis quatre ans, de ce qu'il a subi.

"Il parle de caresses. Ma femme me caresse. Lui, il me touchait comme un sauvage", a dénoncé Stéphane Hoarau, qui éprouve des difficultés, aujourd'hui, à toucher ses propres enfants.

- "Menteur" -

"Pour moi, à l'époque, je ne commettais pas d'agressions sexuelles mais des câlins. Je me trompais. Ce qui me l'a fait comprendre, ce sont les accusations des victimes", a expliqué le prévenu.

Et de pointer la responsabilité de l’Église. "On m'a dit: +tu es un malade+ (...) On aurait dû m'aider... On m'a laissé devenir prêtre", constate Preynat.

Cet aîné d'une fratrie de sept élevé dans la religion par un père autoritaire, qui jouait à la messe à 6-7 ans, commet ses premières agressions vers 16 ans, après en avoir subi lui-même dans son enfance, selon ses dires. Ce qui l'aurait conduit à les reproduire, pour une experte psychiatre.

Ces confidences n'ont pas convaincu les parties civiles. "Preynat, c'est un menteur", a accusé vendredi Me Yves Sauvayre.

"On n'est pas obligé de me croire" mais "je n'ai pas menti. J'ai été sincère dans les réserves que j'ai exprimées" sur certaines accusations, a répondu le prévenu, conscient des "limites de sa mémoire".

"Vous allez prendre en considération que c'est 30 ans après qu'on le juge. Juger 30 après, c'est compliqué", a demandé son avocat au tribunal, en mettant en doute, à son tour, la véracité de certains témoignages.

"Dur à entendre", a réagi l'une des victimes au sortir de l'audience.

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