Port du voile : le Sénat vote l'interdiction pour les parents accompagnant les sorties scolaires

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Par Véronique MARTINACHE - Paris (AFP)
Publié le 29 octobre 2019 - 05:01
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La mosquée de Bayonne où deux fidèles ont été blessés lundi par un ancien candidat du Front national, à Bayonne, le 5 mars 2015
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© Iroz Gaizka / AFP/Archives
La mosquée de Bayonne où deux fidèles ont été blessés lundi par un ancien candidat du Front national, à Bayonne, le 5 mars 2015
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Le Sénat à majorité de droite a adopté mardi, dans un contexte explosif, une proposition de loi LR visant à interdire le port de signes religieux aux parents accompagnant des sorties scolaires, jugée "contre-productive" par le ministre Jean-Michel Blanquer, tandis que la gauche dénonçait "un climat intolérable".

A l'issue d'un débat passionné de près de cinq heures, le texte a été voté par 163 voix contre 114 et 40 abstentions. Il a toutefois peu de chances d'être voté par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle.

L'examen de ce texte controversé a été maintenu malgré les appels à gauche et dans la majorité à y renoncer, dans un climat tendu au lendemain de l'attaque contre une mosquée à Bayonne, qui a fait deux blessés graves.

La sénatrice (ex-PS) des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a dénoncé un texte qui "stigmatise". Elle a accueilli le même jour au Sénat une trentaine de femmes et enfants des quartiers populaires de Marseille, dont certaines mères voilées.

Le sujet a été relancé par un élu du RN prenant à partie une femme voilée lors d'une réunion publique. La droite ne cesse de presser Emmanuel Macron de s'exprimer sur la laïcité.

- "Sorcières d'Halloween" -

Devant le Sénat, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a d'emblée réaffirmé son opposition à la proposition de loi, mais s'est engagé à être "en soutien des directeurs d'établissements dans les mesures qu'ils souhaitent prendre pour lutter contre le prosélytisme".

"En allant au-delà du nécessaire, une loi serait contre-productive parce qu'elle enverrait un message brouillé aux familles" qu'il faut "rapprocher" de l'école. Le ministre a également défendu son combat pour la laïcité, mais aussi contre le communautarisme et contre la radicalisation.

Le texte vise à modifier le code de l'éducation pour étendre "aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l'enseignement dans ou en dehors des établissements" l'interdiction des signes religieux ostensibles posée par la loi de 2004.

Le rapporteur Max Brisson (LR) a jugé "important que les débats se concentrent sur l'école et elle seule".

Les très nombreuses interventions se sont déroulées dans un climat relativement serein, hormis quelques saillies du sénateur non-inscrit Jean-Louis Masson, qui a notamment comparé les accompagnatrices voilées aux "sorcières d'Halloween".

Pour les auteurs de la proposition de loi, il s'agit de combler "un vide juridique" afin d'éviter de laisser aux chefs d'établissements la responsabilité de trancher.

"La loi doit être claire, la loi ne peut pas être dans le +en même temps+", a appuyé le patron des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau.

- "Amalgames simplificateurs" -

Toute la question est de savoir si la sortie scolaire est bien un "temps éducatif" et si les parents accompagnateurs doivent être considérés comme des "collaborateurs bénévoles" et donc soumis aux mêmes obligations de neutralité que les enseignants. La droite a défendu cette position, contestée à gauche.

Dans la majorité sénatoriale, Laurent Lafon (centriste) a mis en garde contre "le contexte dans lequel elle intervient, où les amalgames simplificateurs prennent le pas sur les discours raisonnés".

"Ce n'est pas parce que quelques-uns hystérisent le sujet qu'il ne faut pas le traiter", a rétorqué Jérôme Bascher (LR).

Les opposants à l'interdiction ont élargi le débat à ses conséquences: "Elle pourrait éloigner certains enfants de l'école publique" (Antoine Karam, LREM), elle couperait "le seul lien de socialisation pour ces femmes" (Colette Mélot, Indépendants).

Ce débat "est du pain béni pour les islamistes", a lancé Laurence Rossignol (PS) et le texte "nourrit la suspicion" contre certains citoyens, a renchéri Pierre Ouzoulias (CRCE à majorité communiste).

"Les prédateurs qui rejettent notre modèle républicain peuvent se réjouir de l’émergence d'une société de prohibition, d'interdiction, d'exclusion", a renchéri le président du groupe PS Patrick Kanner, tandis que David Assouline pointait "une montée du racisme antimusulman", en dénonçant avec virulence le discours du polémiste Eric Zemmour.

Trois sénateurs LR ont voté contre le texte et 10 autres se sont abstenus. Au PS, 15 élus n'ont pas pris part au vote, la majorité votant contre, comme l'ensemble des groupes CRCE et LREM. Les centristes, comme le RDSE à majorité radicale et les Indépendants, se sont partagés.

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