Une crèche à Fleury-Mérogis : les mères détenues vont pouvoir "souffler"

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Par Marie DHUMIERES - Fleury-Mérogis (France) (AFP)
Publié le 19 avril 2019 - 14:29
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Un couloir de la prison de Fleury-Mérogis, plus grande prison d'Europe, le 14 décembre 2017
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© PHILIPPE LOPEZ / AFP/Archives
Un couloir de la prison de Fleury-Mérogis, plus grande prison d'Europe, le 14 décembre 2017
© PHILIPPE LOPEZ / AFP/Archives

En prison, elles s'occupaient seules de leurs bébés, 24 heures sur 24. Une situation peu idéale pour les enfants qui, eux, "ne sont pas détenus", et parfois angoissante pour leurs mères. La crèche de Fleury-Mérogis, une première en France, veut leur permettre de "souffler".

Dans sa cellule équipée d'un berceau, d'une table à langer et d'une petite baignoire, Lina (les prénoms sont modifiés) est assise sur le lit. Son fils de deux mois dort à plat ventre, à côté d'elle.

La loi autorise les mères à garder leurs enfants jusqu'à leurs 18 mois. Sur 2.500 femmes détenues (3% de la population carcérale), elles sont une soixantaine - avec enfant ou en fin de grossesse - à l'être dans l'une des 26 nurseries que comptent les 190 prisons françaises.

"Au début c'était difficile", sourit Lina, 19 ans. Elle énumère ses "peurs de ne pas savoir" après son accouchement : comment nettoyer le cordon ombilical, donner le bain...

Comme elle, à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe (4.000 détenus, dont 300 femmes), dix autres femmes partagent leurs cellules avec leurs enfants.

Jusqu'à récemment, explique Aude Boyer, la directrice de la maison d'arrêt des femmes, "elles ne pouvaient rien faire". Ni travailler, suivre de formation ou d'activité, ni simplement se reposer.

De quoi créer des "angoisses" chez les mères souvent jeunes - entre 18 et 25 ans pour la plupart -, particulièrement la nuit. Car si elles ont accès aux salles communes en journée, elles sont enfermées en cellule de 18H00 au matin, "sans pouvoir souffler".

"On a senti un besoin", ajoute Mme Boyer. Ouverte en septembre, "la crèche leur permet de ne plus juste +subir+ leurs bébés".

Fruit d'un partenariat avec la mairie, le département et la Caisse d'allocations familiales, la crèche veut parer au "risque de fusion mère/enfant", rompre "l'isolement" de femmes privées de soutien et "stimuler" des enfants qui avaient peu d'activités, explique Lydie Gouttefarde, de la Protection maternelle infantile (PMI) de l'Essonne.

Lina y dépose son fils quatre heures par semaine pour aller en cours, et y a reçu de précieux conseils. Le fils de Julie y passe six heures. "Ça suffit, il est encore petit. Mais ça me fait un peu de temps pour moi, et lui ça lui permet de voir d'autres gens", dit-elle.

- "Comme une crèche normale" -

La crèche est ouverte de 7H30 à 17H00 du lundi au vendredi. Les mères doivent, "comme dans une crèche normale", contractualiser le temps que leur enfant y passera, et payer une dizaine d'euros par mois. Une manière de les "responsabiliser", qui participe au processus de réinsertion, estime la mairie.

Les travaux ont pris du retard, mais la crèche comptera à son inauguration officielle une salle de jeux, un dortoir et un espace extérieur.

Le personnel de la crèche promène aujourd'hui les poussettes autour de la gigantesque prison. A terme, les enfants rejoindront ceux d'autres crèches pour des activités communes. Le but : "se rapprocher le plus possible de ce qui se fait dehors". "Les enfants ne sont pas détenus", répète-t-on à la mairie.

Dans la salle recouverte de tapis de sols, où la crèche est pour l'heure installée, deux bébés dorment, et deux plus grands jouent avec les auxiliaires puéricultrices.

Formées aux "trucs tout bêtes" ("on ne rentre pas avec son sac à main et son téléphone") comme aux situations critiques, type agression ou prise d'otages, elles ne savent pas ce que les mères "ont fait", dit Céline, l'une des auxiliaires.

S'il y a "forcément" une distance, la méfiance des débuts n'a pas duré, dit sa collègue Lisa. "Pour tout le monde, la préoccupation principale, c'est l'enfant".

Leurs noms et âges décorent les murs. Le plus jeune est né en février, le plus vieux a 13 mois. Il sortira en juillet.

Autre objectif de la crèche, préparer la "rupture très brutale" de la séparation, en habituant l'enfant à être sans sa mère, explique la direction. Après 18 mois, l'âge où les experts estiment qu'ils prennent conscience de leur environnement, les enfants sont confiés à des proches, ou placés.

Un petit garçon est sorti en février. "On verbalisait ce qui allait se passer. On disait +tu vas voir mamie+, on montrait des photos", raconte Céline. L'enfant qui sortira en juillet sera placé. Elle le reconnaît, "c'est plus compliqué".

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