Près de Bordeaux, on compte fêter Noël sur les ronds-points malgré les évacuations

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Par Benoît PETIT - Sainte-Eulalie (France) (AFP)
Publié le 17 décembre 2018 - 19:24
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Un arbre de Noël a été installé dans ce campement de gilets jaunes à Sainte-Eulalie, au nord de Bordeaux, le 17 décembre 2018
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© GEORGES GOBET / AFP
Un arbre de Noël a été installé dans ce campement de gilets jaunes à Sainte-Eulalie, au nord de Bordeaux, le 17 décembre 2018
© GEORGES GOBET / AFP

"On passe Noël ici!" A un rond-point du nord de Bordeaux où des "gilets jaunes" sont mobilisés depuis un mois, la détermination semble intacte malgré les menaces d'évacuation et les mesures du gouvernement ne contentent personne.

"Le 24 (décembre), on installera une pancarte: +La cabane des rois mages+", sourit un homme en montrant la grande tente bleue qui sert de QG, d'abri, de réfectoire et même de dortoir à ces "résistants", comme ils se surnomment.

Informé du fait que les "rois mages" passent le 6 janvier, un autre "gilet jaune" tonne: "On sera encore là!".

En fin de matinée, ils sont une vingtaine postés à ce rond-point à Saint-Eulalie. Certains filtrent mollement la circulation et distribuent des tracts pour un "RIC" (référendum d'initiative citoyenne"), d'autres lancent le barbecue et quelques-uns discutent à côté du brasero.

Sur le rond-point, un petit mannequin père Noël en gilet jaune, un panneau "Toujours là" et un autre "Ouvert 7 j/7". Quelques automobilistes klaxonnent au passage, une dame s'arrête pour offrir une boîte de chocolat, sans s'attarder.

Le groupe de Sainte-Eulalie avait commencé à "déménager" son campement de quelques centaines de mètres la semaine dernière, en prévision de son expulsion du rond-point qu'il occupait auparavant, près d'un supermarché Leclerc. Cette évacuation a bien eu lieu dimanche, selon eux.

"Désolé, on n'a pas encore posé le carrelage", s'amuse Elodie Lallement, 37 ans, mère de quatre enfants et en recherche d'emploi, en regardant le sol boueux. A l'extérieur, des palettes posées au sol servent de "terrasse".

Le drapeau de l'UBB, le club de rugby de Bordeaux, flotte au vent. Dans la tente, il y a de quoi tenir un siège.

On se montre une vidéo prise la veille au rond-point près du Leclerc quand, affirment les "gilets jaunes" de +Saint Eu+, des vigiles du supermarché sont venus leur chercher des noises. "SOS Médecins m'a prescrit 5 jours d'ITT", clame "Pepito", jeune homme allongé sur un banc de fortune. Malgré son état, il dit avoir passé la nuit au nouveau campement.

- "SMIC à 1.700 euros" -

"C'est pas vrai" que le mouvement s’essouffle, s'insurge Philippe, un chauffeur/livreur de 44 ans. "C'est juste que la presse n'en parle plus". Bordeaux a été l'une des villes de France où la mobilisation a été la plus forte samedi pour "l'acte V".

"C'est Macron qui a décidé que c'était fini", intervient Dominique, 69 ans, retraité du secteur bancaire, qui n'accepte pas que "des entreprises qui travaillent en France ne paient pas d'impôts en France".

"Un cafetier paie des taxes et le Starbucks en face ne paye rien", s'insurge aussi Philippe, qui dit gagner 1.600 euros par mois mais pense qu'il faut un "SMIC à 1.700 euros pour vivre". Il ne bénéficiera pas des nouvelles mesures gouvernementales, dit-il.

"Les 10 milliards (d'euros d'annonces gouvernementales), c'est des broutilles", tranche Dominique. "On pourrait retrouver 40 ou 50 milliards rien qu'en récupérant la défiscalisation des entreprises".

En tout cas, juge-t-il, "nous n'avons peut-être pas gagné grand-chose mais lui (Emmanuel Macron), il a beaucoup perdu".

Alors que le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a affirmé que les ronds-points, "ça suffit", et que plusieurs points de blocage ont été levés lundi, les "gilets jaunes" de Sainte-Eulalie se savent en sursis.

"Mais on trouvera un plan C", promet Elodie, en référence à un possible nouveau déménagement.

A quelques kilomètres de là, les "gilets jaunes" de Saint-Vincent-de-Paul ont quitté leur giratoire et se sont repliés sous un pont enjambant la Dordogne. "Mais les gendarmes nous ont laissé 24 heures pour déguerpir", expliqué Julien, un artisan de 36 ans.

Avant de devoir quitter les lieux, ils comptent bien tendre une banderole: "Macron nous jette sous les ponts".

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