Procès Fourniret : des zones d'ombre et toujours le silence

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Par Céline AGNIEL et Antoine GUY - Versailles (AFP)
Publié le 14 novembre 2018 - 21:05
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"Ce que j'aimerais, c'est qu'enfin il puisse parler": mercredi, le tueur en série Michel Fourniret est resté sourd aux appels à faire la lumière sur l'assassinat crapuleux de Farida Hammiche et sur les zones d'ombre de son parcours criminel.

L'"ogre des Ardennes" est jugé aux assises des Yvelines pour le meurtre en 1988 de l'épouse d'un ex-codétenu, pour pouvoir s'emparer du trésor du "gang des postiches". Le corps de la victime, 30 ans, n'a jamais été retrouvé.

"J'ai l'impression que Farida a été négligée" par la justice, a déclaré en préambule son veuf, l'ex-braqueur Jean-Pierre Hellegouarch, épaules carrées et mains tremblantes. Cet ancien proche d'Action directe est celui qui a donné instruction à Michel Fourniret, via son épouse, d'aller déterrer un trésor d'une vingtaine de kilos d'or dans un cimetière du Val-d'Oise alors qu'il était incarcéré.

Trésor pour lequel Michel Fourniret, s'estimant lésé dans la récompense, aurait assassiné Farida Hammiche avec la complicité de sa femme, Monique Olivier, afin de le dérober.

Hellegouarch, 75 ans, a nié l'appartenance de l'or au "gang des postiches". Il appartenait selon lui à Gian Luigi Esposito, un braqueur italien proche des milieux d'extrême droite rencontré en détention et qui lui avait confié le lieu de la cache. "Mais ça pouvait être de l'argent provenant d'un groupe politique", a-t-il avancé.

Pour le déterrer, s'il a fait appel à Michel Fourniret, rencontré alors que ce dernier purgeait une peine pour agressions sexuelles, "c'est justement parce que ce n'était pas un bandit. Un bandit a plus de chance de vous voler".

"Je me suis laissé enfumé, j'avais aucun soupçon" et "je ne voyais pas à quel point il était maléfique", a ajouté l'homme au crâne rasé et regard clair.

- "Rien à vous dire" -

Aussitôt après la disparition de Farida Hammiche, Monique Olivier vient voir Jean-Pierre Hellegouarch au parloir pour lui faire part de son inquiétude. "Elle était envoyée par +l'autre personne+ pour me rassurer, pour m'enfumer un peu plus", a souligné l'ex-braqueur à la barre.

Une phrase qui aura le mérite de provoquer la première réaction de Michel Fourniret depuis l'ouverture des débats mardi. Un doigt levé pendant plusieurs minutes pour intervenir, mais le président ne bronche pas.

Jean-Pierre Hellegouarch finit par interpeller Fourniret pour lui demander où se trouve le cadavre de sa femme, jamais retrouvé par les enquêteurs. "S'il a deux sous de courage, c'est pour dire où elle se trouve", espère-t-il.

La deuxième épouse du tueur en série, 76 ans, qui a divorcé de Fourniret lorsqu'il a été incarcéré pour agressions sexuelles en 1984, lui succède à la barre. Elle aussi l'exhorte à révéler ce qu'il a tu jusque là et pour que "tout ça cesse".

"Ce que j'aimerais, c'est qu'enfin il puisse parler pour savoir où sont les dépouilles des victimes afin de soulager un peu les esprits. Les nôtres aussi, ceux de ma fille et moi, qui sommes sollicitées à tout moment par la police, les gendarmes, les médias. Lui n'a plus rien à perdre maintenant, ou du moins pas grand chose", a imploré Nicole Clerget.

Elle s'est rappelé le jour où elle lui a annoncé la mort de leur fils Nicolas, à 24 ans, dans un accident.

"Il a décidé de venir immédiatement. Il a dit +il faut tout de suite qu'on aille le voir, parce que sinon, il va être raide+. J'ai alors ressenti qu'il avait beaucoup d'expérience", a-t-elle confié en larmes à la barre.

"Je ne connais pas cet homme", poursuit son ex-femme. "Il a de belles grosses mains qui sont capables malheureusement de tuer mais aussi de faire de belles choses".

Ces mains immenses et blêmes s'animent tout à coup quand, à la fin de l'audience, le président de la cour donne enfin la parole à l'accusé.

Fourniret se lève, des larmes dans les yeux, visage rouge. "J'aurais pu vous dire quelque chose sur le sujet", balbutie-t-il la voix brisée, "mais j'ai rien à vous dire". Il se rassoit en pleurant sous les grondements des parties civiles.

L'une des soeurs de Farida Hammiche se lève et enlace Nicole Clerget, effondrée, venue s'assoir dans le public. "Je vous embrasse comme ma mère", la réconforte-t-elle. "J'ai souvent pensé à vous", lui répond cette dernière.

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