A qui va profiter la "crise du bac" ? Personne, selon des acteurs du secteur

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Par Isabelle TOURNÉ - Paris (AFP)
Publié le 09 juillet 2019 - 09:00
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Des lycéens arrivent à leur lycée à Tours le jour des résultats du bac, le 5 juillet 2019
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© GUILLAUME SOUVANT / AFP/Archives
Le monde éducatif dans son ensemble risque de sortir "meurtri" de l'édition mouvementée du bac 2019, entachée par une grève de correcteurs face auxquels le ministre de l'Education n'a pas cédé, signe d'une certaine habilité ou au contraire fragilité.
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Le monde éducatif dans son ensemble risque de sortir "meurtri" de l'édition mouvementée du bac 2019, entachée par une grève de correcteurs face auxquels le ministre de l'Education n'a pas cédé, signe d'une certaine habilité ou au contraire fragilité, selon différents acteurs du secteur.

Incontestablement, "cette grève va laisser des traces", analyse Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT.

L'édition du baccalauréat 2019, l'avant-dernière sous sa forme actuelle, n'aura pas été un long fleuve tranquille, successivement marquée par une grève de la surveillance, des fuites, des coquilles dans les énoncés et surtout, une grève de correcteurs, opposés à la réforme du bac et du lycée.

Cette grève a contraint le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, à décider d'une "solution" - la prise en compte des notes du contrôle continu, en cas de copies du bac retenues - afin d'être en mesure de communiquer leurs résultats à tous les élèves en temps et en heure.

Dimanche, le président Emmanuel Macron a soutenu son ministre, dénonçant une "prise d'otage" des candidats et leurs familles par les enseignants frondeurs.

"La bataille de l'opinion a été gagnée par le gouvernement, avec le choix politique du maintien de l'ordre et une position de fermeté", analyse Bernard Toulemonde, ancien inspecteur de l'éducation nationale, évoquant un ministre "très habile".

Mais si, "chez les enseignants, il semble qu'une grande majorité ne soient pas en accord avec la stratégie de rétention de notes, une solidarité corporative" est selon lui probable.

"Il y aura un avant et un après", pronostique Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales dans l'Essonne, et blogueur. Disant "comprendre les enseignants", mais sans soutenir leur action de grève, il tient pour responsable de la situation le ministre de l'Education. "Jean-Michel Blanquer paye deux ans de surdité; il y a bien eu des dizaines de réunions avec les syndicats" mais elles avaient surtout un caractère informatif, déplore-t-il. Et aujourd'hui, "il joue l'opinion contre les enseignants".

- "Tout le monde y perd" -

Au sein du monde enseignant, cette crise pourrait aussi laisser des cicatrices. Seule "une toute petite minorité" des 175.000 correcteurs ont retenu les copies, rappelle le ministère. Pourtant "les professeurs dans leur ensemble vont avoir une image écornée", estime Claude Lelièvre, historien de l'éducation.

Après cette séquence, ils n'auront rien obtenu par rapport à leurs revendications, mais renforcé leurs divisions internes, souligne-t-il. Une désunion qui pourrait être bénéfique à court terme au ministre de l'Education pour mettre en œuvre ses réformes, mais qui, à terme, risque d'engendrer de "la désillusion, de l'amertume, tout le contraire d'une +école de la confiance+", juge l'historien. De son côté, Jean-Michel Blanquer n'avait "sans doute pas anticipé les refus de nombreux jurys du bac d'appliquer sa solution", qui revenait à créer des conditions d'inégalités entre les candidats, poursuit-il.

"Sa demande de déroger aux règles en vigueur va écorner son image", juge M. Lelièvre. Au final, "tout le monde y perd". C'est aussi l'avis d'Alexis Torchet, du Sgen-CFDT, syndicat réformiste: "tout le système éducatif sort meurtri" de cette crise, dont il va être "compliqué de mesurer les effets". "La grève servait surtout à exprimer un mécontentement réel mais le rapport bénéfices/coût est terrible", estime le syndicaliste.

Selon lui, elle a produit un "sentiment de malaise chez les enseignants, même les non grévistes". "Jean-Michel Blanquer, qui se présente comme le ministre des professeurs, sera forcément atteint lui-aussi", ajoute-t-il.

La solution pour sortir de la crise ? Le syndicaliste n'en voit qu'une: "la reprise du dialogue". "On ne peut pas reprocher à M. Blanquer de ne recevoir personne, mais il n'y a aucune inflexion dans sa politique".

Depuis une dizaine de jours, le locataire de la rue de Grenelle martèle que sa "porte est ouverte". Il doit d'ailleurs recevoir de nouveau les syndicats dans les prochains jours.

A la rentrée, les organisations syndicales ont d'ores et déjà prévu de déposer des préavis de grève: "Il s'agira de couvrir des actions liées à des dysfonctionnements liés à la rentrée", explique Alexis Torchet.

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