Réforme des retraites : concertation, piège à réactions

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 20 juillet 2018 - 13:32
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Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, le 11 mai 2017 à Paris
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© Eric FEFERBERG / AFP/Archives
Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, le 11 mai 2017 à Paris
© Eric FEFERBERG / AFP/Archives

A mi-chemin de la concertation sur la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, syndicats et patronat peinent à en deviner le contenu, l'exécutif laissant les partenaires sociaux exposer leurs intentions sans dévoiler les siennes, au risque de laisser prospérer les polémiques.

Après trois mois de discussions, des dizaines d'entretiens, "on en est toujours aux idées générales", regrette Claude Tendil, du Medef, qui garde "l'impression d'avoir fait du vélo d'appartement: on pédale mais on reste sur place".

Depuis le lancement officiel de la concertation mi-avril, chacune des dix organisations concernées (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa, Medef, CPME, U2P et FNSEA) a rencontré au moins une demi-douzaine de fois Jean-Paul Delevoye.

Le Haut commissaire à la réforme des retraites les a bombardés de questions sur le futur régime "universel" promis par le chef de l'Etat: quelles cotisations ? quels droits pour les chômeurs ? les veuves ? comment compenser les inégalités de carrière entre femmes et hommes ?

"La méthode permet de tout remettre à plat, les échanges sont toujours intéressants", reconnaît Dominique Corona, de l'Unsa, qui s'inquiète toutefois que l'aspect financier reste "la grande inconnue" des débats.

Comme lui, tous les participants déplorent l'absence de "chiffrages" ou de "cas types" pour évaluer les conséquences globales et individuelles de leurs propositions. "On leur a demandé depuis un moment, mais ils n'ont pas envie", affirme Philippe Pihet, de FO.

"Cela va arriver dans un deuxième temps, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs", tempère Robert Verger, de la FNSEA, convaincu que "quand on aura les chiffrages, on va vite ramener les choses à la raison".

En attendant, l'exécutif semble se satisfaire de son ambiguïté: "On commence à voir se dessiner clairement les axes forts des syndicats. Cela va nous permettre de préparer des arguments pour y répondre", explique-t-on dans l'équipe de M. Delevoye.

- "questions qui fâchent" -

"Soit ils essaient de voir où est le point d'atterrissage avant de dévoiler leurs choix, soit ils n'avaient rien calé avant", analyse Frédéric Sève, de la CFDT, qui prévient que "les questions qui fâchent portent plus sur la deuxième partie" de la concertation.

A partir de septembre, les partenaires sociaux seront en effet consultés sur "les conditions d'ouverture des droits", c'est-à-dire l'âge de départ à la retraite. M. Macron a par avance exclu de toucher à l'âge légal, actuellement fixé à 62 ans dans la plupart des cas.

Le Medef estime qu'"il faudra agir sur l'âge effectif, qui devrait se situer entre 64 et 65 ans" et préconise "une décote viagère suffisamment forte pour inciter les gens à rester en activité", indique M. Tendil.

La rentrée s'annonce donc périlleuse, surtout après l'épisode des pensions de réversion, qui a pris de court le gouvernement: un banal document de travail demandant "doit-on (les) maintenir ?" a été interprété comme une volonté de les supprimer.

"Une rumeur malsaine, visant à faire peur", a démenti le président de la République, sans réussir à apaiser les craintes, pas plus que les dénégations de certains ministres, à l'instar d'un Christophe Castaner déclarant que les pensions de réversion pourraient "baisser pour certains" futurs retraités.

Il faut pourtant assumer l'évidence, selon M. Verger: "C'est une réforme qui va concerner 100% des Français, il y aura forcément des mécontents. On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs".

"Plutôt que de jeter du sable sur les braises, il faut amener le débat dans l'opinion", estime M. Sève, car "on ne pourra pas se contenter d'une discussion entre gens avertis".

L'exécutif a en partie répondu à cette attente, avec la "consultation citoyenne" sur internet lancée fin mai et la série d'"ateliers participatifs" prévus à l'automne, avant la présentation par M. Delevoye des grandes orientations de la réforme en décembre ou janvier. L'entourage du Haut commissaire ne voit pas pour l'heure de raison de changer de rythme: "Nous restons maîtres de notre calendrier".

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