Retraites : après un mois et demi de protestation, les avocats niçois ne désarment pas

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Par Vincent-Xavier MORVAN - Nice (AFP)
Publié le 21 février 2020 - 10:00
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Les avocats niçois ne désarment pas contre la réforme des retraites
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© MEHDI FEDOUACH / AFP/Archives
Les avocats niçois ne désarment pas contre la réforme des retraites
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"Pour moi, cette grève est un énorme manque à gagner": entre reports d'audiences, manifestations ou retraites au flambeau, et malgré les difficultés rencontrées après six semaines de mouvement, les avocats niçois ne désarment pas contre la réforme des retraites.

"Etant seul à mon compte, c’est plus de 50% de mon chiffre d’affaires qui est remis en cause avec les renvois et l’absence totale de désignation, à la fois à l’aide juridictionnelle et pour les permanences pénales", déplore Benjamin Taieb, 41 ans, en marge d'une nouvelle manifestation jeudi.

"Mais je sais qu’il vaut mieux tenir aujourd’hui parce que la réforme sera bien pire", poursuit-il, se disant prêt à poursuivre "le plus longtemps possible".

Dans la salle des pas perdus désertée du palais de justice, une de ses consoeurs, qui préfère taire son nom, se dit au bord du désespoir: "depuis le 6 janvier, je ne plaide rien, je ne facture pas, je ne prends pas de rendez-vous".

"J’ai fait renvoyer tous les dossiers que j’avais car je soutiens le mouvement de grève, c’est le seul moyen de nous faire entendre", abonde aussi Alexandra Morel, 45 ans.

"Cette réforme, c’est la disparition de 30.000 cabinets, souvent ceux qui supportent l’aide juridictionnelle, et donc c'est aussi l’accès au droit des justiciables les plus faibles qui est en jeu", plaide l'avocate.

Elle a été de tous les mouvements depuis le 6 janvier, dont une "merguez-party" devant le palais de justice, et arbore sur sa robe un pin’s "Sos Retraités" récupéré lors d'une manifestation à Paris.

"On est toujours mobilisés, on fait un ou deux mouvements par semaine. Le principal, c’est de renvoyer les dossiers et de bloquer la machine judiciaire, ce qu’on est en train de faire parfaitement bien", résume le bâtonnier Thierry Troin.

- "Efforts anéantis" -

Autour de lui, jeudi, une cinquantaine des quelque 1.100 avocats du barreau, brassard rouge ou discret nœud de la même couleur agrafé à leur épitoge, ont déployé une banderole devant deux chars du carnaval, sur la place Masséna, avant de prendre part à la manifestation intersyndicale qui a défilé en ville.

Depuis le début du mouvement de protestation des avocats contre la réforme des retraites qui doublera leurs cotisations sans apporter de compensations "lisibles", selon le bâtonnier Troin, le tribunal judiciaire de Nice tourne au ralenti. "Mardi matin, j’étais aux référés et sur 60 dossiers, 58 ont été renvoyés", relève l’avocat.

"Entre le 6 janvier et le 18 février, en matière pénale, sur 795 dossiers appelés, 381 ont été renvoyés, soit presque la moitié", confirme de son côté le président du tribunal Marc Jean-Talon. En temps normal, le taux de renvoi est inférieur à 10%.

"Les avocats sont dans leur droit en menant un mouvement de contestation, je n’ai pas d’opinion sur sa légitimité, mais on ne peut que constater que les conséquences en sont très fortes pour les justiciables et pour les magistrats dont certains s'échinent à mettre à jour depuis des années leur service et voient tous leurs efforts anéantis", déplore M. Jean-Talon.

"Rien ne serait pire" pour son tribunal qu’une profession d'avocat "affaiblie", reconnaît-il toutefois.

Une nouvelle assemblée générale est prévue le 2 mars à Nice pour déterminer si le mouvement se poursuit et, le cas échéant, selon quelles modalités, alors que le texte de loi portant réforme des retraites est actuellement examiné à l'Assemblée nationale.

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