A Rouen, le mea culpa des gérants du bar Cuba Libre où un incendie avait fait 14 morts

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Par Laurent GESLIN, Manuel SANSON - Rouen (AFP)
Publié le 09 septembre 2019 - 15:00
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"Je répondrai à toutes les questions du tribunal": au premier jour de leur procès, les deux ex-gérants du bar rouennais Cuba Libre, où 14 personnes ont péri dans un incendie en 2016, ont assuré devant le tribunal correctionnel de Rouen qu'ils assumeraient leurs manquements à la sécurité.

Lundi, le tribunal s'est intéressé aux personnalités de Nasser et Amirouche Boutrif, deux frères de 48 et 40 ans. Leur procès, très attendu par les proches des victimes, s'est ouvert en présence de plusieurs dizaines de parties civiles, a constaté un correspondant de l'AFP.

Crânes rasés, chemises bleu marine, les deux hommes qui comparaissent libres sont jugés pour "avoir involontairement causé la mort" de 14 personnes et involontairement blessé cinq autres grièvement, dans l'incendie de leur établissement dans la nuit du 5 au 6 août 2016.

Les victimes fêtaient les 20 ans d'une jeune femme dans le sous-sol de 24,4 m2 de ce bar aménagé sans autorisation en boîte de nuit, lorsque deux bougies du gâteau d'anniversaire, des fontaines à étincelles, ont enflammé le plafond d'un escalier étroit, bas et très pentu.

Recroquevillés sur leurs chaises, le regard parfois dans le vide, les deux prévenus ont raconté leur parcours avant leur arrivée en France jusqu'au rachat en décembre 2003 par l'aîné du bar, devenu plus tard le Cuba Libre.

Les deux frères, aux casiers judiciaires vierges, sont soupçonnés d'avoir commis une kyrielle de "violations manifestement délibérées d'une obligation de sécurité ou de prudence". Ils encourent cinq ans d'emprisonnement et 76.500 euros d'amendes. Le procès doit durer sept jours.

- "une série de dysfonctionnements" -

"Je n'ai jamais pensé qu'un jour, ça prendrait feu. Si je savais, je ferme le sous-sol", a déclaré Amirouche Boutrif, qui avait repris la gérance du bar en 2015. "Quand j'ai repris la location, le seul patron, c'était moi", a-t-il assuré. "J'assume les choses qui ont été faites", a-t-il ajouté.

Son frère aîné, Nasser, est revenu sur l'aménagement de ce sous-sol, à l'époque où lui était le gérant du bar. L'idée est née "vers la fin de 2012", a-t-il dit, "il n'y avait pas grande chose à faire, une dalle à isoler".

La présidente l'interroge sur l'absence de démarches envers la mairie avant cet aménagement: "je croyais qu'il ne fallait pas faire", explique-t-il.

- "Il y a des choses que vous n'avez pas fait dans les règles, on est d'accord ?", interroge la présidente.

- "Oui", répond Nasser Boutrif.

Né en Algérie, Nasser Boutrif est arrivé en France en 1999. Marié, père d'un enfant et titulaire d'un bac+2 en archéologie et civilisation, cet homme qui possède la double nationalité française et algérienne avait travaillé comme agent de sécurité en France avant d'acheter le bar.

Après le drame du Cuba Libre, il a été placé sous contrôle judiciaire en décembre 2016. Il est depuis un an agent administratif dans une société de livraison à Paris, après avoir été serveur dans un café de Rouen. "Je suis peut-être impulsif mais je ne suis pas foncièrement mauvais", a dit au tribunal cet homme reconnu travailleur handicapé en raison d'un problème de dos.

Le plus jeune a raconté avoir rejoint son frère en France en 2011. Marié, père d'un enfant, il possède une carte de résident renouvelable depuis 2013 et travaille dans une entreprise de transport près de Rouen.

Décrit comme quelqu'un de calme, Amirouche, qui assistait Nasser dans la gestion du bar les premières années, a dit avoir "toujours eu du respect pour son frère". Depuis les faits, il est suivi par un psychiatre et sous traitement médical.

La liste des manquements à la sécurité établis par les enquêteurs est longue: les prévenus ont "laissé verrouillée l'unique porte de secours du sous-sol", les murs et les plafonds étaient recouverts de plaques de mousse en polyuréthane insonorisante mais extrêmement inflammable et fumigène.

Experts, pompiers, policiers sont appelés à venir témoigner au procès. "Tous diront clairement que cette cave, c'est un piège qui s'est refermé sur 14 malheureuses victimes", avait déclaré avant le procès Marc François, avocat de la famille d'une victime décédée.

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