Saïda implore la France de "rapatrier" d'Irak sa petite-fille, enfant de jihadiste

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Par Elia VAISSIERE - Lille (AFP)
Publié le 21 mars 2019 - 16:38
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Capture d'écran d'une vidéo de l'AFPTV filmant Saïda, grand-mère de la petite Khadija, le 20 mars 2019 à Lille
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© Thomas BERNARDI / AFP
Capture d'écran d'une vidéo de l'AFPTV filmant Saïda, grand-mère de la petite Khadija, le 20 mars 2019 à Lille
© Thomas BERNARDI / AFP

"Ma petite-fille de trois ans n'a rien à faire en prison, c'est une victime": depuis des mois, Saïda implore la France de "rapatrier Khadija", emprisonnée en Irak avec sa mère depuis sa condamnation pour appartenance au groupe Etat islamique.

Originaires du nord de la France, Djamila Boutoutaou et son mari Mohammed Nassereddine étaient partis en 2016 pour les territoires contrôlés par l'organisation Etat islamique (EI), emmenant avec eux leurs enfants Abdallah, quatre ans à l'époque, et Khadija, quatre mois.

Abdallah a été tué quelques mois plus tard dans un bombardement, lors d'une longue offensive des forces irakiennes. Après la mort de Mohammed, Djamila avait ensuite été arrêtée avec sa fille et jugée à Bagdad. Privée de son avocat français lors de son procès, elle avait assuré avoir rejoint le groupe jihadiste contre son gré, dupée par son mari, mais avait été condamnée à la prison à perpétuité.

"J'ai déjà perdu Abdallah, mon petit-fils, mon petit ange. Sa soeur est aujourd'hui en prison mais en vie, et il faut la sauver", clame Saïda, la voix brisée.

Khadija "est une enfant de trois ans et demi qui a vécu des choses terribles. Elle devrait être à l'école, pouvoir grandir dans de bonnes conditions, avoir une vie normale et se reconstruire !", insiste-t-elle.

Entassées avec des dizaines d'autres femmes dans d'étroites cellules, Khadija et sa mère "ne mangent pas à leur faim, sont carencées", manquent "d'hygiène et de soins".

"Leur état de santé se dégrade. Au téléphone, ma fille m'a expliqué qu'elle perdait ses cheveux, ses dents, ne pesait plus que 45 kg. Khadija a faim, a des croûtes dans les cheveux et du pus sous les ongles", s'alarme l'énergique et fluette grand-mère.

C'est un cas "d'extrême urgence !", juge Saïda, confiant son "souhait le plus cher": accueillir un jour Khadija chez elle pour "lui offrir un cadre sain et stable, une grande famille qui l'aime".

"Je compte beaucoup sur (le président français) Emmanuel Macron et le gouvernement, j'espère vraiment qu'ils m'aideront à récupérer ma petite-fille", conclut Saïda. Pour elle, "tous ces enfants enfermés en Irak sont innocents, victimes des actes d'adultes qui ont parfois eux-mêmes été manipulés".

- "Endoctrinée" -

La France a rapatrié de Syrie mi-mars cinq enfants de jihadistes français, "orphelins et isolés". Trois autres enfants avaient déjà été ramenés d'Irak avec l'accord de leur mère française, condamnée à Bagdad pour avoir rejoint l'EI.

Le sujet est très sensible en France, pays occidental le plus touché par les attentats perpétrés au nom de l'EI. Selon un sondage publié fin février, 89% des Français se disent "inquiets" d'un éventuel retour des jihadistes adultes, et 67% se disent favorables à laisser la Syrie et l'Irak prendre en charge les enfants.

Les enfants de jihadistes seraient plus de 3.500, originaires d'une trentaine de pays, dans les camps de déplacés, selon l'ONG Save The Children. Fin février, au moins 80 enfants français se trouvaient aux mains des forces arabo-kurdes, selon des estimations de sources françaises non confirmées.

"Ma fille a été endoctrinée par son mari et sa famille, qui étaient radicalisés et sectaires", affirme Saïda. Lorsque Djamila rencontre Mohammed dans un club de musique en 2008, elle n'a que seize ans. Le jeune homme lui propose rapidement de vivre chez lui.

"Ils me l'ont transformée, l'ont forcée à rester à la maison, lui ont fait porter la burqa".

Djamila et Mohammed s'envolent un jour "sans prévenir" pour l'Algérie, où ils se marient et donnent naissance à leur fils. Le couple reviendra finalement en France, avant de disparaître à nouveau début 2016.

"Là, je suis restée un an et demi sans nouvelles, sans indice. Un jour, je reçois un coup de fil. Djamila m'explique qu'elle est en Irak, qu'Abdallah est mort", tremble Saïda.

Aujourd'hui, Djamila "veut bien se séparer de sa fille si ça permet à Khadija de rentrer en France", affirme Saïda, persuadée que la jeune femme a été "manipulée par des monstres".

Pour Khadija comme pour "tous les enfants enfermés en Irak, il faut aller vite", dit elle. "Ils pourraient mourir si on les laisse là-bas..."

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