A Saintes, des chefs cuistots s'unissent pour se "sentir moins seul"

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Par Benoît PETIT - Saintes (France) (AFP)
Publié le 26 novembre 2020 - 09:18
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Les chefs Vincent Coiquaud, Jean-Luc Bonedeau et Olivier Pourpoint, en cuisine le 23 novembre 2020 à Saintes
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
Les chefs Vincent Coiquaud, Jean-Luc Bonedeau et Olivier Pourpoint, en cuisine le 23 novembre 2020 à Saintes
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Une dizaine de cuistots en tablier blanc s'agitent dans une petite salle, maniant joues de boeuf braisées et dos de cabillaud. Chefs-propriétaires de restaurants à Saintes (Charente-Maritime), ils se sont lancés dans une "aventure humaine" pour "se sentir moins seul" après le "deuxième coup de massue" du reconfinement.

Pour 15 euros, ils proposent un menu déjeuner unique, de qualité, qui change quotidiennement, à déguster chez soi ou au bureau. Une centaine de repas par jour en moyenne. Moins le lundi mais "le vendredi c'est la folie".

Avant l'arrivée des premiers clients, il faut finir de dresser les "assiettes" à emporter - des boîtes en bambou compostables -- avec des mets préparés le matin même ou la veille.

Ce jour-là, le boeuf et sa sauce de cuisson gélifiée sont assortis d'une pomme de terre, d'oignons grelots sucrés et d'une mirepoix de légumes. Le cabillaud a droit à un jus de persil et un lit de riz cantonais. La crème verveine citronnée attend d'être empaquetée, comme la salade de lentilles et sa neige de curry.

"Le travail à la chaîne, on n'a pas l'habitude", s'amuse un chef. "On est une brigade mais qui n'est composée que de chefs", rit un autre. La bonne ambiance est au rendez-vous, l'efficacité aussi. En un tournemain, entrées-plats-desserts sont emballés, les sacs marqués au nom du client.

Malgré le reconfinement, et les personnels au chômage partiel, "c'était vital" de continuer à cuisiner, explique Anne Chatel, membre comme les autres du "Cercle des restaurateurs saintongeais".

"Pour la deuxième fois, on se retrouvait sans travail du jour au lendemain, alors que décembre est notre mois le plus important... Il fallait qu'on fasse quelque chose ensemble".

"On allait trop ruminer dans nos boutiques", reprend Séverine Tremblay, "d'autant qu'on a l'impression d'être les vilains petits canards alors que les clusters n'étaient pas dans les CHR (Cafés-Hôtels-Restaurants, ndlr).

- "Une bonne action" -

"Là, on se lève le matin avec un objectif en tête et on dort mieux la nuit", assure Mme Chatel. "On ne fait pas ça pour sauver les meubles financièrement". Les bénéfices serviront à "un repas caritatif, pour les soignants, les écoles ou les personnes âgées".

Quelques heures auparavant, c'était déjà l'effervescence dans les cuisines d'un restaurant saintais, quand la joue de boeuf finissait de mijoter : livraisons à réceptionner, factures à compiler et fourneaux à surveiller.

"On se sent utile, productif. On ne passe pas son temps à se demander quand on va rouvrir", souligne le chef Jean-Luc Bonedeau. "On a tous des comptes en banque qui baissent mais on se soutient, on s'entraide".

"On apprend beaucoup des autres", relève Vincent Coiquaud: "+Tiens, tu fais ça comme ça, je ne connaissais pas, c'est sympa cette façon de faire+"

"Je fais ce métier depuis mes 16 ans et là j'ai l'impression d'être en stage!", explique Olivier Pourpoit, parti chercher chez un grossiste les betteraves rouges qui serviront d'entrée le lendemain, avec de la feta.

Le dessert, concocté dans un autre restaurant, arrive à l'heure pour rejoindre entrées et plats dans la camionnette qui se dirige vers des locaux mis à disposition par la Ville pour l'emballage et la vente.

"C'est bien, ça évite à ma femme de faire la cuisine", glisse Michel Potiron, un brin taquin, en repartant avec deux repas. "Il faut bien que les gens travaillent", souligne un autre retraité, qui vient une fois par semaine.

Pour Laetitia Caillaud, "c'est la première fois mais ce ne sera pas la dernière!". "Avec cette démarche, on n'est pas du tout dans l'individualisme mais dans la collectivité et c'est vraiment bien dans ce contexte particulièrement difficile", estime cette conseillère en viticulture.

Patron d'une agence immobilière, Cédric Bienvenu passe tous les jours. Il a droit à un petit coeur sur son sac papier. "Je préfère un vrai repas, ça évite la malbouffe", explique-t-il. "Avec cette initiative, on mange bien et on fait une bonne action".

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