Saintes : la justice implique les maris violents dans la lutte contre les violences conjugales

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Par Olivier GUERIN - Saintes (France) (AFP)
Publié le 19 octobre 2019 - 13:51
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Capture d'image d'une vidéo de l'AFPTV du 19 octobre 2019 montrant un homme reçu par le procureur de Saintes dans le cadre d'un suivi renforcé" des auteurs de violences conjugales
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© / AFPTV
Capture d'image d'une vidéo de l'AFPTV du 19 octobre 2019 montrant un homme reçu par le procureur de Saintes dans le cadre d'un suivi renforcé" des auteurs de violences conjugales
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Grand, brun, Arnaud surplombe le procureur d'une tête mais il fait pourtant profil bas ; l'homme de 38 ans aux yeux clairs, accusé d'avoir battu sa femme, est l'un des premiers à participer à une expérience visant à impliquer l'auteur dans la lutte contre les violences conjugales.

Ce dispositif de "suivi renforcé des auteurs de violences conjugales" est testé par le tribunal de Saintes depuis le mois de septembre, explique à la presse le procureur Nicolas Septe.

Trois semaines auparavant, sous l'emprise de l'alcool, comme souvent, Arnaud (le prénom a été changé) a bousculé sa compagne et lui a asséné un coup de poing dans l'épaule. Dans sa plainte, "son épouse a mentionné des violences sur une période donnée", raconte le procureur.

Placé en garde à vue puis sous contrôle judiciaire, cet ancien employé de restauration aujourd'hui sans emploi a reconnu les faits. "Il y a un moment que je bois", admet-il devant le magistrat. Aujourd'hui, il ne consomme plus qu'"une demi-bouteille de vodka par jour". "L'alcool est la cause de votre violence?", demande le procureur. "Oui. Et puis les problèmes financiers qui vont avec, et l'avenir".

Volontaire pour se soigner et se faire aider - "je ne veux pas perdre ma cellule familiale ni mes enfants", dit-il, - il a intégré le dispositif expérimenté dans la juridiction de Saintes et Royan. Avant sa comparution devant le tribunal correctionnel, fin novembre.

Ce suivi commence par une évaluation d'un médecin psychologue pour estimer dangerosité et risque de récidive.

Puis, pendant six mois maximum, il devra se soumettre à un contrôle strict exercé par un agent recruté spécialement, une femme au cursus social, Julie Pierre-Pierre. Employée par l'Association d'enquête et de médiation (AEM), partenaire du parquet de Saintes pour ce dispositif, elle peut effectuer des contrôles à toute heure, sur le lieu de travail comme à domicile.

Arnaud la surnomme déjà "mon ange gardien" mais s'il dérape, "je serai plus gardien que ange", prévient la quadragénaire.

Tout en respectant les règles du suivi, le mis en examen doit entreprendre des soins et chercher travail ou formation. Un partenariat a été contracté avec Pôle emploi. Le chômeur a déjà refait son CV et décroché deux entretiens d'embauche.

Pour soigner son addiction, il a pris rendez-vous avec un centre d'addictologie. "Mais comme la date est éloignée, je l'ai orienté vers les alcooliques anonymes", complète Julie Pierre-Pierre. Enfin, il travaille avec l'Union départementale des associations familiales (Udaf) pour assainir dettes et crédits.

- Moins coûteux -

Tout cela "remettra de la stabilité dans le couple", avance Nicolas Septe.

"Cette expérimentation comble un manque dans la prise en charge des auteurs", estime Anthony Peleman, directeur d'AEM en Charente-Maritime. "L'auteur de ces faits est mis au ban de la société, ce qui peut concourir à la récidive", ajoute-t-il, espérant que le Grenelle sur les violences conjugales qui s'est ouvert en septembre, "prendra ce problème à bras le corps. Il faut que l'auteur de violences ait une place dans la lutte contre la violence".

Il a fallu un an au parquet de Saintes pour jeter les bases de ce dispositif et conclure des partenariats avec la police, la gendarmerie, la Caisse d'allocations familiales, l'Agence régionale de santé (ARS), les élus locaux, les hôpitaux, Pôle emploi et plusieurs associations.

En Charente-Maritime, les parquets de La Rochelle et de Saintes traitent "entre 350 et 400 cas de violences conjugales par an", estime le procureur. "Environ une fois sur deux, il y a un problème d'addiction à l'alcool ou à la drogue. C'est à peu près le même ratio partout en France".

Le parquet a aussi dû trouver les 60.000 euros nécessaires à ce dispositif, apportés par les Communautés d'agglomérations de Saintes et de Royan, le Fonds interministériel de lutte contre la délinquance (FIPD) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), "qui a noté que c'est une première en France", relève Nicolas Septe.

Cette somme pourrait néanmoins permettre des économies. "Une journée de prison coûte à la société environ 134 euros", dit Anthony Peleman, "un suivi renforcé pendant six mois, cela revient seulement à 2.000 euros".

Ce dispositif pourrait être élargi à d'autres communes du département et sera pris en compte lors de l'audience devant le tribunal correctionnel. "Le jugement pourra alors décider d'appliquer la nouvelle peine de sursis probatoire, qui sera créée au 1er janvier 2020 dans le cadre de la Loi de programmation pour la justice", espère le procureur.

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