"Sans herbe ni soleil" : dans la Vienne, une "ferme-usine" de 1.200 bovins en eaux troubles

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Par Nathalie ALONSO - Coussay-les-Bois (France) (AFP)
Publié le 07 novembre 2019 - 09:44
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Un jeune taureau présenté au sommet de l'élevage de Cournon d'Auvergne, près de Clermont-Ferrand, le 4 octobre 2017
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© Thierry Zoccolan / AFP/Archives
Un jeune taureau présenté au sommet de l'élevage de Cournon d'Auvergne, près de Clermont-Ferrand, le 4 octobre 2017
© Thierry Zoccolan / AFP/Archives

"Ils ne verront ni l'herbe ni le soleil!": dans la Vienne, un projet de ferme de 1.200 bovins est empêtré depuis 5 ans dans un conflit avec ses détracteurs, dressés contre ce qui est à leurs yeux un nouveau "symbole" des dérives de l'agro-business.

Une parcelle bitumée, coincée entre les bois et un ancien centre de stockage de déchets: depuis 2014, à Coussay-les-Bois, une discrète bataille fait rage autour d'un terrain vague, à l'écart de ce village tranquille.

"C'est le bout du monde! La première maison est à 700 mètres, je ne vois pas qui ça peut déranger!", s'agace Pierre Liot, octogénaire à la tête d'une prospère usine de fabrication d'alimentation animale à Châtellerault.

Cet homme du cru veut implanter une ferme de 15.000 m2 prévue pour l'engraissement de 1.200 taurillons. Nourris principalement aux granulés de céréales, ces taureaux sevrés âgés de moins de deux ans passeront 8 à 12 mois dans des boxes bétonnés, avant d'être exportés au Maghreb. Un projet pour l'heure en suspens...

De manifestations en recours, la mairie et un collectif d'associations qui revendique des centaines d'adhérents mènent depuis cinq ans un bras-de-fer avec le promoteur et la préfecture.

Outre le fait que le site empiète sur une Zone d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), ils accusent les autorités de "fermer les yeux" sur des menaces "prévisibles" pour la ressource en eau potable. "Mais on nous passe au-dessus, un maire de petite commune ne sert plus à rien", déplore Michel Favreau, l'élu DVG de Coussay.

Une nappe phréatique se trouve "entre trois et cinq mètres en dessous d’une couche d’argile qui protège la nappe, il ne faut pas percer cette couche... Ce qui serait le cas s'il y a 300 poteaux pour soutenir les hangars", relève François Bigot, président d'une association environnementale locale, VGCA.

Il y a un autre problème: les eaux d’écoulement souillées par les déjections des animaux ne seraient pas récupérées et menaceraient d'infiltrer la nappe.

En 2016, l'opérateur Eaux de Vienne avait lui-même souligné "la vulnérabilité" de ce captage et mis en garde contre "le risque de pollution", selon son avis consulté par l'AFP. "Tous ces effluents iront dans le bassin qui récupère les eaux de pluie, et ça partira au fossé, sans aucun traitement", s'indigne François Bigot.

Les opposants sont d'autant plus remontés que la ferme de la discorde est voisine d'un ancien site d'enfouissement de déchets (4 millions de tonnes entre 1979 et 2013), sources de pollution en chlorures et aux nitrates.

Le promoteur se défend en promettant un site propre qui produira de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques et de la méthanisation du fumier. Ces fumiers, qui pourront également être compostés sur place, seront "compacts", sans écoulement, assure-t-il.

- Les petits élevages, "c'est fini" -

C'est aussi un "symbole de l'industrialisation de l'agriculture" qui est attaqué, comme pour la "ferme des 1.000 vaches" (Somme), ouverte en 2014. "Les consommateurs ne veulent plus de ces mégaprojets d'agriculture hors-sol", synonymes d'une "concurrence" intenable "pour ceux qui élèvent des bêtes au pré", estime Dominique Brunet, coprésident de l'association environnementale Aspect.

"Ces animaux ne verront jamais l'herbe ni le soleil!", proteste l'agriculteur bio.

Avec un tel dimensionnement et une gestion mécanisée avec "3 ou 4 emplois", l'industriel vante au contraire une alternative viable à la crise agricole. "Les élevages de 50-100 bêtes c'est fini, les éleveurs n'y arrivent plus (...) il faut avoir une certaine importance", tranche l'entrepreneur, qui espère un feu vert après des années de procédure rocambolesque.

Validés en 2015 par la préfecture, mais annulés deux ans plus tard, par le tribunal administratif de Poitiers, les permis ont de nouveau été autorisés par les services de l'Etat le 23 septembre, après examen de pièces complémentaires. Une demi-victoire car "ils ne valent toutefois pas autorisation d'exploiter", précise la préfecture, rappelant que la cour d'appel de Bordeaux doit trancher sur ce point, qui conditionne le chantier.

Méfiants, les opposants surveillent quotidiennement le site, à l'affût d'éventuels bulldozers.

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