Sur un pont parisien, dernier adieu silencieux aux soldats morts au Mali

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Par Daphné BENOIT - Paris (AFP)
Publié le 02 décembre 2019 - 15:24
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Hommage aux 13 soldats morts au Mali le 2 décembre 2019 à Paris
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© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Hommage aux 13 soldats morts au Mali le 2 décembre 2019 à Paris
© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Visages fermés, yeux parfois rougis par les larmes, ils étaient des milliers de militaires, anciens combattants, proches ou simples anonymes lundi sur le pont parisien Alexandre III pour dire un dernier adieu silencieux aux treize soldats morts au Mali, au passage de leur convoi funéraire.

Collée à une barrière, Margot Louvet, 23 ans, venue de Gap (sud-est), arbore sur son tee-shirt la photo officielle, sur fond bleu blanc rouge, de son meilleur ami décédé, Antoine Serre, 22 ans, du régiment de chasseurs de la ville.

"C'était une perle, le plus gentil, le plus généreux, toujours le sourire", raconte à l'AFP la jeune femme aux longs cheveux bruns en réprimant des sanglots. "Être ici, c'est une façon de faire le deuil, de réaliser qu'il ne rentrera pas".

Son ami Antoine avait entamé en septembre son troisième déploiement au Mali, en tant que secouriste de combat.

"Quand il s'en allait en opération extérieure, il disait toujours +je sais quand je pars, je ne sais pas si je reviens+. Mais quand on apprend la nouvelle, on ne s'y attend quand même pas", sanglote-t-elle en guettant les voitures emmenant les cercueils aux Invalides, où doit se tenir à 15h00 un hommage national en présence d'Emmanuel Macron.

Sur le pont où s'est formée une haie d'honneur de militaires, de pompiers et d'anciens combattants, le caporal Thomas, 25 ans, attend dans le froid, sous un ciel voilé. Il ne connaissait aucun des 13 militaires tués au Mali dans la collision de deux hélicoptères, mais "c'est notre devoir d'être là", estime-t-il, en jean et blouson de civil.

"Il y en a qui étaient jeunes...", glisse le soldat, lui-même déployé l'été dernier au Sahel. Mais la mort, "c'est une facette du métier, on connaît les risques".

A l'approche du convoi escorté par une nuée de gendarmes à moto, la foule se fige, le silence se fait. Des applaudissements feutrés retentissent au passage des voitures transportant les corps, encadrées par une haie d'honneur de militaires au garde à vous, tout le long du majestueux pont enjambant la Seine.

- "Saluer le dévouement" -

"Je suis honorée de pouvoir être là", confie Emmanuelle Pujol, 54 ans, conductrice ambulancière de réserve. "C'est très important qu'il y ait du monde pour soutenir leurs camarades de combat et les familles, et pour saluer le dévouement des militaires au moment où sont vilipendées les valeurs de courage, d'honneur, de service", lâche-t-elle, la voix étranglée par l'émotion.

A quelques mètres, Margot tombe dans les bras d'un jeune camarade de régiment d'Antoine, en larmes sous sa coiffe de soldat.

"Depuis Uzbeen (village afghan où 10 soldats français ont été tués dans une embuscade en août 2008, ndlr), je n'avais pas vu autant de cercueils. Ca rappelle des mauvais souvenirs", confie François Pellegrin, ancien artilleur blessé en Afghanistan en 2009.

C'est la huitième fois qu'il vient de la Somme pour rendre hommage sur ce pont à des militaires morts pour la France. Un rite qui date de 2011, rappelle l'historienne Bénédicte Chéron, spécialiste des relations entre armée et société.

"A l'été 2011, alors que cette année est la plus meurtrière pour les armées françaises en Afghanistan, des rassemblements s’organisent peu à peu à l'initiative d'associations d'anciens combattants le long des cortèges funèbres", rappelle-t-elle. Depuis, "ces rites qui se répètent et s'installent dans l'espace public témoignent d’une place renouvelée des militaires défunts dans la société française."

"On voit de plus en plus de monde à ces hommages", abonde François Pellegrin. "Ca fait du bien de voir que la population nous soutient. Au Mali, si les militaires français n'étaient pas là, ce serait une catastrophe".

D'autres parmi la foule sont plus sceptiques envers l'intervention française au Sahel.

"Treize morts d'un coup, c'est énorme", soupire Dominique Dubarry, 83 ans, ancien officier d'infanterie de marine en Algérie. "Nous suppléons l'insuffisance caractérisée de ces gouvernements en Afrique, nous faisons le boulot à leur place", déplore-t-il.

Derrière lui, un ancien combattant est plus sévère encore: "C'est un bourbier", lâche-t-il.

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