Tentation au repli sur soi et effet "rattrapage" : la consommation lente à se déconfiner

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Par Laure BRUMONT - Paris (AFP)
Publié le 10 juin 2020 - 09:00
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Une commerçante installe un message de bienvenue pour la clientèle, le 11 mai 2020 dans une boutique à Bordeaux
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© GEORGES GOBET / AFP/Archives
Une commerçante installe un message de bienvenue pour la clientèle, le 11 mai 2020 dans une boutique à Bordeaux
© GEORGES GOBET / AFP/Archives

Confinés, les Français étaient tentés par le "repli sur soi" et centrés sur les "besoins essentiels", mais ils ont eu le temps de réfléchir à leur façon de consommer au point de sembler tarder à déconfiner, malgré quelques achats "plaisir".

Pour Guénaëlle Gault, directrice générale de l'Obsoco (Observatoire société et consommation), "c'est fou": depuis le 11 mai, qu'ils soient en "zone verte ou rouge, les Français restent tout autant confinés".

On assiste à une "tentation globale de repli", explique-t-elle à l'AFP, évoquant une période "hyper-atypique" de "post-confinement" plutôt que de déconfinement strict: "les gens n'ont pas envie de sortir, ni de faire +comme avant+" le Covid-19.

Ainsi, si un Français sur cinq a repris sa vie "normale" depuis un mois, un sur cinq reste confiné (hors déplacements strictement nécessaires) et les Français restants ont repris une partie de leurs activités tout en continuant à limiter leurs contacts.

Pour Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le mois de mai a connu un "rebond assez net sur un certain nombre de biens manufacturés". Mais par exemple "dans l'automobile, c'est très lent".

Certains secteurs ont bénéficié d'un effet "rattrapage", comme le marché du jouet, qui a récupéré 44% de ses pertes en seulement 3 semaines selon le cabinet NPD.

- Recul -

D'autres profitent de cet "entre-deux", comme les soins à domicile: la plateforme Wecasa (2.500 coiffeurs, esthéticiennes et masseurs) assure avoir enregistré sur un an +700% de demandes de rendez-vous en mai et +200% en juin.

Procos, la Fédération du commerce spécialisé, confirme la réouverture "assez dynamique" de ses adhérents œuvrant dans l'équipement de la maison, le sport, la jardinerie, le jouet, le textile enfant et la coiffure.

"La fréquentation des magasins reste cependant faible" (entre -30 et -40% par rapport à d'habitude), et "les secteurs réalisant une bonne activité profitent d'une clientèle qui se déplace avec pour objectif d'acheter", pas de se laisser tenter.

A force de traîner chez eux en jogging ou en pyjama, les consommateurs ont réfléchi sur leur façon d'acheter vêtements et chaussures, une "prise de recul positive", explique à l'AFP le professeur Thomas Delattre, spécialisé dans les comportements du consommateur à l'Institut français de la Mode (IFM).

Avec une conséquence: la mode de seconde main s'ancre peu à peu dans les habitudes, avec 40% des consommateurs de mode ayant acheté une pièce d'occasion fin 2019 contre 15% une dizaine d'années plus tôt. Elle a désormais un boulevard devant elle, "tous les paramètres s'alignant pour encourager cette forme de consommation".

- Cocotte-minute -

Revenant sur les files d'attente devant les enseignes à bas prix ou les boutiques de luxe, qui avaient "choqué" au premier jour du déconfinement, M. Delattre n'y voit guère qu'une "photo de la consommation de mode +d'avant+ dont on aurait saturé les couleurs".

En s'indignant face à ces queues devant Zara comme aux "drive" des McDonald's, "on témoigne de son engagement vers une consommation plus responsable, plus éthique", même si cela équivaut à première vue à une culpabilisation, estime-t-il.

Si deux Français sur trois (62%) affirment ne pas vouloir changer leur rythme d'achat, selon un sondage OpinionWay pour la plateforme de commerce en ligne Rakuten, ils sont 70% à souhaiter consommer plus responsable.

"Les gens veulent changer leur façon de consommer mais aussi de travailler et parfois même d'habiter", résume Mme Gault.

Mais avec un pouvoir d'achat qui devrait légèrement reculer de 0,5% cette année et un repli de la consommation de 9,3% selon la Banque de France, ce ne sera pas simple pour tout le monde.

Les écarts vont clairement se creuser entre deux France, celle au pouvoir d'achat "ménagé" et celle "qui va avoir du mal à boucler ses fins de mois", renchérit à l'AFP Anne Haine, directrice générale de Nielsen France.

Or "la cocotte-minute bout" car "chacun a réinterprété la crise à l'aune de ses grilles de lecture", assure Mme Gault, renforçant les tensions et les tendances constatées auparavant, sur fond d'inquiétude extrême et d'une défiance vis-à-vis des acteurs politiques et des entreprises.

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