Trois skinheads aux assises pour la mort de l'"antifa" Clément Méric

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 02 septembre 2018 - 09:32
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Manifestation le 2 juin 2018 à Paris en mémoire de Clément Méric, tué le 5 juin 2013 lors d'une bagarre entre skinheads et antifascites
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© LUCAS BARIOULET / AFP/Archives
Manifestation le 2 juin 2018 à Paris en mémoire de Clément Méric, tué le 5 juin 2013 lors d'une bagarre entre skinheads et antifascites
© LUCAS BARIOULET / AFP/Archives

Cinq ans après la mort de Clément Méric, devenu un symbole de l'engagement antifasciste, trois skinheads comparaissent à partir de mardi aux assises pour répondre des coups portés contre cet étudiant de 18 ans tué lors d'une bagarre en plein Paris.

Le 5 juin 2013 vers 18H00, des "skins" et des "antifas" se retrouvent à la même vente privée de vêtements, dans une boutique du quartier Saint-Lazare. Les jeunes se toisent, s'invectivent.

Quarante minutes plus tard, une rixe éclate au pied de l'église voisine Saint-Louis d'Antin: Clément Méric, étudiant à Sciences-Po qui se remet tout juste d'une leucémie, s'écroule. Son décès sera prononcé le lendemain.

Rencontre fortuite ou guet-apens? Bagarre qui tourne mal ou volonté de tuer? La question sera au cœur du procès, alors que les antifas dénoncent un "assassinat politique" et que les accusés évoquent la légitime défense.

Les rixes ne sont pas rares entre ces groupes ennemis, mais pour la première fois depuis longtemps, il y a un mort: un jeune homme engagé, décrit par beaucoup comme brillant et frêle, dont ses amis de l'Action antifasciste Paris-Banlieue affirment qu'il n'était "pas violent" mais "ne baissait pas les yeux".

Sa mort fait resurgir le spectre des violences de l'extrême droite, dont les rangs s'étoffent à la faveur de manifestations contre le mariage homosexuel. Une mobilisation qui nourrit alors les tensions entre les deux camps.

Le gouvernement promet de punir "les assassins", puis dissout plusieurs groupuscules identitaires et racistes dont étaient proches certains des accusés, à l'instar de Troisième Voie et de son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dirigées par une figure tutélaire de la mouvance, Serge Ayoub.

Au terme de l'enquête, les juges concluent à une rencontre imprévue qui a dégénéré en bagarre, mais écartent l'intention de tuer chez les principaux mis en cause: Esteban Morillo et Samuel Dufour, 25 ans, sont donc renvoyés aux assises pour des violences "ayant entraîné la mort sans intention de la donner", commises en réunion et avec arme - en l'occurrence un poing américain. Ils encourent jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. Après plusieurs mois de détention provisoire, ils comparaissent libres.

Un troisième skinhead, Alexandre Eyraud, 29 ans, sera lui jugé pour des violences aggravées passibles de 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

- "Meurtre politique" -

Esteban Morillo a très vite reconnu avoir frappé Clément Méric, mais toujours nié avoir fait usage d'un poing américain, circonstance aggravante aux coups mortels.

"Nous souhaitons que M. Morillo soit jugé strictement sur les faits: il a frappé deux fois, à mains nues, lors d'une bagarre, point", a déclaré à l'AFP un de ses avocats, Antoine Maisonneuve.

Quant à Samuel Dufour, il "n'a porté aucun coup à Méric", selon son avocat Antoine Vey, qui attend "une juste répartition des responsabilités".

L'un des enjeux sera de déterminer s'il y a eu ou pas usage de poings américains, laissant supposer une intention d'en découdre. Sur ce point, les expertises médicales se contredisent.

Certains témoins ont vu Esteban Morillo armé d'un poing américain, d'autres pas. En garde-à-vue, Morillo lui-même affirme que Dufour frappait les antifas à l'aide d'un poing américain. Et le soir-même, Samuel Dufour envoie des SMS à un ami: "J'ai frappé avec ton poing américain", "On les a défoncés".

Les récits s'accordent sur l'atmosphère électrique de la rencontre: "Les nazis viennent faire leurs courses" a lancé un antifa aux skins arborant tee-shirts "White power" ou "100% pure race". Dans la rue, chaque camp s'accuse d'avoir frappé le premier.

Pour Serge Ayoub, alias Batskin, qui accueille les accusés le soir-même dans son bar, les antifas "ont attendu les +petits fachos+: malheureusement, on peut être agresseur et en mourir, ça arrive".

Dans les rangs de l'Action antifascite, on redoute une "dépolitisation": "Si Clément a été tué, c'est parce qu'il était un antifasciste. C'est un meurtre politique, pas une bagarre entre bandes. Si le procès doit avoir un moment de vérité, c'est ça".

Leur réponse à la mort du jeune militant a été la création d'un Comité pour Clément, avec la volonté de "ne pas laisser la rue" à l'extrême droite. Plusieurs rassemblements sont prévus à Paris dans les prochains jours.

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