Tron, Merah : l'avocat Eric Dupond-Moretti, le colosse des assises

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 16 décembre 2017 - 18:59
Image
L'ancien maire de Draveil Georges Tron (g) arrive avec son avocat Eric Dupond-Moretti, le 12 décembr
Crédits
© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
L'ancien maire de Draveil Georges Tron (g) arrive avec son avocat Eric Dupond-Moretti, le 12 décembre 2017 au tribunal de Bobigny
© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives

A l'audience, il grogne, tonne et s'impose par son éloquence et sa stature: Eric Dupond-Moretti, avocat redouté des cours d'assises, a obtenu vendredi le renvoi du procès de l'ex-secrétaire d'Etat Georges Tron, après avoir en octobre défendu bec et ongles le frère de Mohamed Merah.

Malgré "la lassitude, le découragement et le désespoir" qu'il confiait récemment éprouver après plus de 30 ans d'une carrière couronnée de plus de 120 acquittements, celui que les médias ont surnommé "acquittator" est toujours présent dans les grands rendez-vous.

Au procès de Georges Tron, accusé de viols et agressions sexuelles, il n'a pas hésité vendredi à révéler à l'audience le contenu d'une conversation privée dans laquelle le président de la cour d'assises, Régis Jorna, confiait à des avocats qu'il aurait préféré "que ce soit une femme qui préside".

Le magistrat n'a pas démenti et, après une longue suspension, a fini par accorder à la défense le renvoi du procès qu'il lui avait refusé quelques heures plus tôt, en invoquant l'impossibilité de tenir les délais des audiences prévues jusqu'au 22 décembre.

"Terrorisme judiciaire", ont alors dénoncé les parties civiles.

Mais "l'Ogre du Nord" en a entendu d'autres au cours de sa carrière, entamée à Douai en 1984 et qui l'a notamment amené à faire acquitter Roselyne Godard, la boulangère d'Outreau, Jacques Viguier, un universitaire accusé du meurtre de sa femme ou Jean Castela, accusé d'avoir commandité l'assassinat du préfet Erignac.

Plus récemment, c'est sa défense du frère de Mohamed Merah, Abdelkader qui a suscité les passions.

- "Un honneur" -

"C'est le procès le plus difficile de ma carrière. J'en ai pris plein la gueule, j'ai été insulté. On a dit que j'étais la honte de la profession, on a menacé mes enfants". Mais ça a été "pour moi un honneur" de le défendre, a-t-il dit sur France inter

Dans une autre émission, il avait expliqué ne pas être là pour la morale mais pour le droit et affirmé qu'il aurait pu défendre "l'homme Hitler" s'il lui avait demandé mais "à condition de ne pas justifier l'idéologie nazie".

Au procès Merah, seul contre une armada d'avocats des parties civiles, le ténor n'a jamais rien lâché, rendant coup pour coup dans une ambiance tendue marquée par les témoignages poignants des familles des victimes de Mohamed Merah.

Sa sortie sur la mère de Mohamed Merah, qui "elle aussi a perdu un fils", a été huée au procès et qualifiée "d’obscène" sur France inter, mais l'avocat assumera ses propos.

Car dans ces moments d'extrême tension, rien ni personne ne semble pouvoir l'arrêter dans la défense de son client.

Ainsi, il n'a pas hésité à obliger l'avocate générale à se lever pour s'exprimer, comme le veut la procédure qu'il connait par coeur et dont il se sert comme d'une arme d'intimidation massive.

Le président pour sa conduite des débats, certains avocats des parties civiles et les policiers qui témoignaient anonymement se sont vu eux aussi remonter les bretelles.

En 2014, dans un procès corse, l'avocat avait été jusqu'à interrompre le réquisitoire de l'avocate générale, provoquant un incident d'audience inédit.

"Vous trichez, c'est inadmissible. Quelle pièce, quel dossier, c'est déloyal!", avait-il lancé à la magistrate, éberluée, qui venait d'affirmer sans preuve aux jurés que l'appareil utilisé par la police pour détecter des traces de sang effacées n'était pas toujours efficace.

Auparavant, il avait quitté le banc des avocats pour s'installer, massif, sur un siège, sous les yeux du jury et de l'avocate générale. Il use souvent ainsi de sa présence physique intimidante pour mettre sous pression certains témoins à charge de l'accusation.

Car le procès, Eric Dupond-Moretti le reconnaît lui-même, c'est un peu comme du théâtre: "Il y a une sonnette quand la cour entre, des costumes, des décors, un ordre de passage, des actes parfaitement réglés, une liturgie", a-t-il récemment expliqué.

"La différence, c'est que je suis dans le réel avec des enjeux très lourds. Il n'y a pas de caméra que l'on peut arrêter. Ah, si les avocats avaient ça, à chaque fois que je plaide mal je demanderais qu'on coupe et je recommencerais", a-t-il récemment confié à l'occasion de la sortie d'un film de Claude Lelouch, "Chacun sa vie" où il incarne... un président d'audience.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.