Un départ des enfants juifs des écoles publiques ? Un phénomène difficile à évaluer

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Par Isabelle TOURNÉ - Paris (AFP)
Publié le 21 février 2019 - 18:21
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Le président Emmanuel Macron prononce un discours lors du dîner du Crif, le 20 février 2019 à Paris
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© LUDOVIC MARIN / POOL/AFP
Le président Emmanuel Macron prononce un discours lors du dîner du Crif, le 20 février 2019 à Paris
© LUDOVIC MARIN / POOL/AFP

Emmanuel Macron veut réaliser un "audit" des établissements scolaires publics touchés par le départ des enfants de confession juive dans un contexte d'antisémitisme. Mais le phénomène est difficile à évaluer, estiment des experts.

- Qu'a dit le chef de l'Etat lors du dîner du Crif ?

Selon Emmanuel Macron, il est "parfois devenu impossible" pour des professeurs ou instituteurs d'évoquer la Shoah ou la situation au Proche-Orient dans des "quartiers gangrénés par l’islamisme radical". "Trop souvent, nous avons vu aussi, dans ces quartiers de la République, ces dernières années, des enfants quitter l’école publique (...) pour aller vers des écoles privées sous contrat", a-t-il ajouté.

Ces déclarations faisaient écho à de récents propos du député LR Eric Ciotti et du polémiste Eric Zemmour affirmant qu'il n'y a plus d'enfants juifs dans les écoles de Seine-Saint-Denis, chassés, selon eux, par la montée du communautarisme islamiste.

- Ce phénomène est-il avéré ?

Une enquête réalisée il y a dix ans par Erik Cohen, docteur en sociologie en Israël, avait évalué à 100.000 le nombre d'enfants juifs scolarisés en France, indique Patrick Petit-Ohayon, directeur de l'enseignement au Fonds social juif unifié (FSJU). Un tiers serait dans l'enseignement juif, un tiers dans l'enseignement public et le dernier tiers dans des établissements privés sous contrat, laïques et catholiques.

"Les choses ont sûrement changé depuis", en raison de divers événements qui ont pu "choquer" la communauté, comme le meurtre d'Ilan Halimi, la tuerie de Mohamed Merah devant l'école juive de Toulouse, ou encore les attentats de Charlie Heddo et l'Hyper Cacher, ajoute-t-il.

Plusieurs phénomènes ont pu se conjuguer: à la suite de ces événements, des Juifs ont quitté la France, d'autres ont préféré mettre leurs enfants dans des établissements privés qu'ils estimaient "sûrs".

"En 2015, l'enseignement juif a accusé pour la première fois une perte nette de 600 élèves", indique M. Petit-Ohayon. Mais "depuis 2016, sans doute à la faveur d'une libération récente de la parole antisémite, l'enseignement juif a regagné des élèves venus du public: +1.100 à la rentrée 2017, ce qui peut sembler beaucoup, mais reste contenu". "Il n'y a pas de flot du public vers les écoles juives".

- Qu'en est-il précisément en Seine-Saint-Denis ?

Pour des acteurs de l'école de ce département, interrogés par l'AFP, il est faux d'affirmer qu'il n'y a plus d'enfants juifs dans les établissements publics. "Ces assertions ne se vérifient pas", déclare Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE (première fédération de parents d'élèves). "Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'antisémitisme, comme ailleurs en France".

"Après les attentats de Charlie Hebdo (en 2015), des débats entre élèves avaient été organisés dans les établissements scolaires et les enfants de confession juive avaient tendance à cacher leur religion car ils sentaient que ça pouvait leur être préjudiciable", se souvient Myriam Menez, vice-présidente de la Peep (deuxième fédération de parents d'élèves) de l'académie de Créteil. Mais "les enfants de confession juive ne vont pas plus dans des écoles juives que dans d'autres départements".

"Sur quels chiffes se base-t-on?", s'interroge, dubitative, Rachel Schneider, responsable du Snuipp-FSU (premier syndicat du primaire) de Seine-Saint-Denis. "L'antisémitisme est un sujet trop important pour qu'on le traite en affirmant des choses fantaisistes qui visent à semer le trouble et à jeter le discrédit sur un département qui n'en a pas besoin".

- Un "audit" est-il possible ?

Emmanuel Macron a chargé son ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer d'évaluer le phénomène pour que l'école joue à plein "son rôle de rempart républicain" à travers un "audit" des établissements scolaires touchés par la "déscolarisation" des enfants de confession juive.

En France, l'appartenance religieuse n'est pas indiquée dans les dossiers d'inscription scolaire. "Comment faire un audit puisqu'on ne demande pas la religion des familles?", demande Rachel Schneider.

"Il est peut-être possible d'obtenir des informations en travaillant avec des inspecteurs de terrain", avance M. Petit-Ohayon.

Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Education assure qu'il va "mettre en place un calendrier de travail" et "arrêter une méthodologie" pour réaliser cet audit, "avec l'Elysée".

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