Un deuxième juge chargé d'enquêter sur l'affaire Boulin

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Par Anne LEC'HVIEN - Versailles (AFP)
Publié le 22 février 2019 - 18:23
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Robert Boulin, le 1er novembre 1961
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© STF / AFP/Archives
Robert Boulin, le 1er novembre 1961
© STF / AFP/Archives

Suicide ou assassinat politique ? Un deuxième juge d'instruction va enquêter sur la mort en 1979 du ministre Robert Boulin, à la demande de sa fille qui déplore la "lenteur" de la justice dans cette grande affaire politico-judiciaire de la Ve République.

Ce deuxième juge a été désigné à Versailles le 24 janvier à la suite d'une demande faite le 9 novembre 2018, a indiqué vendredi à l'AFP Marie Dosé, l'avocate de la famille, confirmant une information de 20 minutes.

"La gravité et la complexité de l'affaire" justifient la co-saisine, indique le président du tribunal de grande instance de Versailles, Christophe Mackowiak, dans une ordonnance dont l'AFP a eu connaissance.

En 2015, la famille de l'ancien ministre RPR de Valéry Giscard d'Estaing avait obtenu l'ouverture d'une nouvelle instruction après un non-lieu rendu en 1991 dans cette affaire dans laquelle subsiste, quarante ans après, de nombreuses zones d'ombre.

- Un ministre retrouvé mort dans la forêt -

Résistant devenu avocat, Robert Boulin avait été retrouvé mort le 30 octobre 1979 au matin, dans 50 cm d'eau, dans l'étang du Rompu à Saint-Léger-en-Yvelines (Yvelines).

Il avait entamé sa carrière politique en 1958 en devenant député gaulliste de Gironde puis maire de Libourne un an plus tard, avant d'occuper de nombreux portefeuilles ministériels.

En 1979, à 59 ans, alors ministre du Travail, sa popularité nourrit des rumeurs qui le désignent comme "premier ministrable" de Valéry Giscard d'Estaing. Mais à l'automne, des articles paraissent, le mettant en cause quant aux conditions d'acquisition d'un terrain à Ramatuelle (Var).

Le 29 octobre, il dépose des dossiers confidentiels dans son appartement de Neuilly-sur-Seine puis part pour une destination inconnue. Il est retrouvé mort le lendemain.

Selon la version officielle de l'époque, il s'est suicidé en ingérant des barbituriques. Des médias et différentes personnalités avaient alors reçu des lettres de suicide portant son nom.

- Non-lieu après une première enquête -

Estimant que des éléments infirment la thèse du suicide, la famille porte plainte pour homicide volontaire en 1983, entrainant l'ouverture d'une enquête.

Une deuxième autopsie révèle notamment deux fractures au visage, non relevées en 1979. L'analyse des poumons du défunt s'avère impossible, plusieurs organes censés avoir été conservés à l'Institut médico-légal ayant disparu en cours d'enquête.

En 1991, un non-lieu est prononcé.

Convaincue que son père a été assassiné parce qu'il disposait d'informations sur un financement occulte de sa famille politique, Fabienne Boulin demande la réouverture de l'enquête mais le parquet général de Paris répond négativement en 2007, puis en 2010.

- Une nouvelle instruction à Versailles -

En 2015, Fabienne Boulin dépose une nouvelle plainte et une instruction pour "arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat" est ouverte à Versailles.

Depuis, au moins deux témoins qui remettent en cause la thèse du suicide ont été entendus par la juge.

Le médecin urgentiste arrivé le premier sur les lieux a affirmé que la position du corps ne correspond pas à celle d'une personne noyée par suicide.

Un autre témoin a indiqué avoir croisé Robert Boulin le jour de sa mort à bord d'une Peugeot. Selon lui, l'ancien ministre occupait la place du passager et était accompagné de deux hommes.

Vendredi, un médecin-légiste de Bordeaux, qui avait procédé à la deuxième autopsie du corps, doit être entendu à Versailles, à indiqué à l'AFP Fabienne Boulin.

Des archives non classifiées ont par ailleurs été récemment mises à disposition par la préfecture de la police.

- Un dossier "en souffrance" -

"Cela fait 40 ans que j'attends que la vérité sur l'assassinat de mon père soit faite", résume vendredi Mme Boulin, qui estime que l'instruction à Versailles n'avance pas assez vite. "On a une perte de chance colossale", dit-elle.

"C'est une affaire en souffrance", ajoute son avocate, Marie Dosé. "La lenteur des investigations menées dans un dossier comme celui-là est extrêmement préjudiciable", dit-elle, soulignant que les témoins encore vivants sont très âgés.

La nomination d'un deuxième juge a été saluée par Mme Boulin qui souligne "l'urgence" à entendre certains témoins mais aussi à réaliser une reconstitution sur place.

Elle demande par ailleurs la constitution d'un collège d'experts médico-légaux pour éplucher les autopsies, et l'exploitation des archives mises à disposition.

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