"Un losange à la place du coeur" : à Maubeuge, colère et détermination contre le plan de Renault

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Par Clément MELKI - Maubeuge (AFP)
Publié le 30 mai 2020 - 16:22
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Manifestation à Maubeuge (Nord) le 30 mai 2020 contre le plan d'économies de Renault
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Manifestation à Maubeuge (Nord) le 30 mai 2020 contre le plan d'économies de Renault
© FRANCOIS LO PRESTI / AFP

"Ici, ce n’est pas un cœur que j’ai, c'est un losange...", lâche, ému, Jean-Marc Pelleriaux, la main sur la poitrine. Evoquant un attachement "viscéral" à l'usine MCA et un "esprit de famille", des milliers de personnes ont manifesté samedi à Maubeuge (Nord) contre le plan d'économies de Renault.

"On nous a annoncé qu’on était la meilleure usine d’Europe, qu’on n'avait rien à craindre, et aujourd’hui on nous dit qu’on va fermer pour tout mettre à Douai? On ne peut pas laisser ça partir...", s'indigne auprès de l'AFP M. Pelleriaux, 61 ans, formateur en zone retouche et membre de la CGT.

Comme lui, des milliers de personnes - 8.000 selon les syndicats - se sont rassemblées samedi matin devant l'usine MCA (Maubeuge construction automobile), filiale de Renault, pour manifester contre la décision du constructeur automobile de supprimer 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France.

Le site, qui emploie environ 2.100 personnes tous statuts, est à l'arrêt depuis vendredi matin, alors que la direction du constructeur, en difficulté, envisage le transfert de production des utilitaires électriques Kangoo à Douai - environ 2.900 employés -, à environ 70 km de là, qui hériterait d'une nouvelle plateforme.

"C’est un séisme qui est en train de se passer (...) Aujourd’hui cette manifestation est très importante, même si ce n'est qu’une première étape, pour montrer au gouvernement et à Renault que les salariés et les habitants de cet arrondissements sont attachés à cette entreprise et qu’on est soutenus. On a besoin de ces emplois, sinon c’est un territoire complet qui va mourir!", s'exclame Jérôme Delvaux, secrétaire du syndicat CGT-MCA.

A l'appel de l'intersyndicale de l'usine (CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, Sud), le cortège a entamé peu après 10H00, sous un soleil radieux, une marche pour rejoindre l'hôtel de ville de Maubeuge, où il est arrivé vers 12H30.

- "Ma deuxième famille" -

"Le Kangoo doit rester à MCA", "Défendons nos emplois, non au transfert de l’usine de Maubeuge à Douai", "Senard: trahison, Macron: tiens ta parole !", pouvait-on lire sur les banderoles."MCA vivra, on est là pour ça!", scandent aussi les manifestants dont la quasi totalité porte un masque pour ce premier rassemblement d'une telle ampleur depuis la fin du confinement.

Aux côtés des salariés, des familles et de nombreux élus, parmi lesquels le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand (ex-LR), le sénateur socialiste Patrick Kanner ou encore le député PCF Fabien Roussel.

Sur les pancartes ou au dos des gilets, les messages suggèrent le lien qui unit l'usine à la population. "Avec tous les efforts consentis, je passe presque plus de temps avec mes collègues qu'avec ma propre famille. C'est ma deuxième famille (...)", confie Gabriel Lemaire, agent de fabrication.

"MCA, c'est 21 ans de ma vie. A 48 ans, je retrouve quoi derrière? Dans la région, il n'y a plus rien, ils ont déjà tout cassé". "Là, ils ne cassent pas qu'une usine, mais toute une région...", ajoute-t-il. Mais "tant qu'on ne lâche pas, il y a de l'espoir", veut-il croire, se disant déterminé à bloquer l'usine. "Je vais perdre de l'argent, mais eux beaucoup plus. S'ils veulent l'avoir, il faudra nous passer dessus avant."

Pour Gérard Dacosse, un habitant de la région, "on déshabille Pierre pour habiller Jacques". "Si MCA disparaît, c'est toute l'économie locale qui va succomber parce qu'énormément d'entreprises en sont dépendantes", se désole-t-il, se disant "très attaché" à cette usine, qu'il a vu construire en 1971.

"Rien ne sortira de Maubeuge! On va se battre, tous ensemble!", crie un représentant au balcon de l'hôtel de ville, avant d'entonner la Marseillaise, reprise par la foule.

Prochaine étape: une réunion mardi matin à Bercy entre représentants syndicaux, élus locaux, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le patron du groupe, Jean-Dominique Senard.

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