Un rapport parlementaire dénonce une "République en échec" en Seine-Saint-Denis

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Par Tiphaine LE LIBOUX - Paris (AFP)
Publié le 31 mai 2018 - 22:09
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François Cornut-Gentille à l'Assemblée nationale à Paris le 22 mai 2018
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
François Cornut-Gentille à l'Assemblée nationale à Paris le 22 mai 2018
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Un Etat "inégalitaire", "inadapté" et qui "recule" en Seine-Saint-Denis: dans un rapport présenté jeudi, des députés s'alarment d'une "République en échec" dans ce département qui cumule les difficultés, appelant à un "sursaut" une semaine après le discours d'Emmanuel Macron sur les banlieues.

Durant six mois, les parlementaires ont évalué l'action de l'Etat dans ce département, qui présente notamment les taux de pauvreté et de criminalité les plus élevés de France, à travers trois de ses missions fondamentales: l'éducation, la justice et la police.

Et le constat est partout le même. "A besoins équivalents, la Seine-Saint-Denis, n'est pas traitée de manière équitable", résume François Cornut-Gentille (LR), l'un des deux rapporteurs.

L'établissement scolaire "le moins bien doté de Paris reste mieux doté que le plus doté de Seine-Saint-Denis", a notamment affirmé le député, lors de la présentation du rapport à l'Assemblée nationale.

En Seine-Saint-Denis, policiers, professeurs ou magistrats sont moins nombreux, mais aussi moins expérimentés et quittent leur poste plus rapidement qu'ailleurs dans le pays. "Là où les problèmes sont les plus durs, c'est là qu'arrivent les débutants", regrette François Cornut-Gentille.

Dans l'Education nationale, "le taux de néo-titulaires (les professeurs dont c'est la première année d'enseignement, ndlr) dans les établissements difficiles est de 21% en France, contre 41% dans l'académie de Créteil et 65% en Seine-Saint-Denis", souligne-t-il.

Au tribunal de Bobigny, le deuxième de France, "un tiers des magistrats du siège s'en vont tous les ans. Ça veut dire une perte de 80 mois d'activité sur ces simples rotations", ajoute-t-il.

- Effets pervers -

Au-delà de ce constat inégalitaire, connu depuis des décennies, le rapport s'alarme d'une "méconnaissance" de la réalité démographique et sociale du 9-3.

Première inconnue essentielle relevée par la mission parlementaire: le nombre d'habitants.

L'Insee l'évalue à 1,6 million, "mais il nous manque le nombre d'étrangers en situation irrégulière", qui "participent à l'économie du territoire, reçoivent une partie des aides sociales, scolarisent leurs enfants", relève l'autre rapporteur du texte, le député (LREM) Rodrigue Kokouendo.

Certains experts évoquent le chiffre de 150.000 personnes, d'autres 250.000. "250.000 personnes, c'est la population du Jura", s'exclame le député.

Idem pour le phénomène des marchands de sommeil ou de l'économie souterraine, qui échappent eux aussi à la statistique. Conséquence: les moyens déployés pour lutter contre ces pratiques sont "sous-dimensionnés".

La publication de ce rapport intervient une semaine après le discours sur les banlieues d'Emmanuel Macron qui s'est refusé à lancer un énième "plan banlieue", expliquant ne pas croire à la "politique spécialisée".

Dans leurs travaux, les parlementaires pointent eux aussi les effets pervers de ces politiques prioritaires qui aboutissent à "stigmatiser le territoire".

Ils citent notamment en exemple les "stratégies d'évitement" de certaines familles favorisées, qui contournent la carte scolaire pour ne pas scolariser leurs enfants dans les établissements placés en zone d'éducation prioritaire.

"Cela a eu pour conséquence de diminuer la réussite moyenne des collèges, les élèves partis étaient aussi ceux qui avaient les meilleurs résultats scolaires", rappelle le rapport.

Le constat dressé n'est pas nouveau mais cette fois la "représentation nationale", avec des députés de toutes tendances, s'en saisit, s'est félicité un autre membre de la mission, Stéphane Peu, député (PCF) de Saint-Denis.

Ce rapport "n'a pas vocation à caler les armoires", a-t-il lancé: "Sauf à considérer qu'un habitant de Seine-Saint-Denis vaut deux fois, trois fois moins qu'un autre habitant du territoire", il "implique des réponses".

"On attend des actes" et "on ne va pas lâcher l'affaire", a-t-il assuré.

A la suite de la présentation, Clémentine Autain, députée (la France insoumise) dans ce département, a appelé dans un communiqué à l'organisation d'Assises de l'égalité en Seine-Saint-Denis pour "rassembler les forces vives (...) déterminées à arracher la justice sociale et l'égalité".

Une démarche contre la "démission de l'Etat", à laquelle s'est aussi associée Marie-Georges Buffet, députée communiste du département.

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