Un rapport relance l'idée d'une taxe carbone élargie à tous les secteurs

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Par Antonio RODRIGUEZ, Marie HEUCLIN - Paris (AFP)
Publié le 18 septembre 2019 - 15:01
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La Cour des comptes a mis en cause la gestion "laxiste" de l'Oniam, l'organisme d'indemnisation des
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Le Conseil des prélèvements obligatoires est un organisme rattaché à la Cour des comptes
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Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France ne pourra pas faire l'économie d'une hausse de la taxe carbone et de son élargissement aux secteurs aujourd'hui exemptés, a plaidé mercredi la Cour des comptes, suggestion immédiatement écartée par le gouvernement, du moins jusqu'en 2020.

Dans un rapport intitulé "la fiscalité environnementale au défi de l'urgence climatique", le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), organisme rattaché à la Cour des comptes, propose ainsi "la reprise d'une trajectoire de fiscalité carbone, tant cet outil paraît conditionner l'atteinte des objectifs environnementaux".

Instaurée en 2014 avec une trajectoire de hausse progressive mais rapide (de 7 euros la tonne en 2014 à 44,60 euros depuis 2018), la taxe carbone, qui s'applique notamment sur les carburants, a connu un coup d'arrêt après la mobilisation des gilets jaunes contre l'augmentation des prix du gazole et de l'essence à la pompe.

Le gouvernement a ainsi décidé l'an dernier d'annuler la hausse prévue au 1er janvier 2019, une pause qui va se prolonger, tant le sujet est explosif. "Nous n'envisageons pas de hausse de la taxe carbone en 2020", a déclaré mercredi la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, à l'issue du conseil des ministres.

Une reprise "paraît inéluctable" si la France veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a toutefois insisté le premier président de la Cour, Didier Migaud, lors d'une conférence de presse.

"La question est de savoir si on se donne les moyens de respecter les engagements (climatiques) que l'on prend", a-t-il ajouté, alors que la loi énergie-climat en cours d'adoption au Parlement doit renforcer les ambitions de la France, avec un objectif de neutralité carbone en 2050.

Mais une telle taxe ne sera acceptée et efficace que si elle s'applique à tous les secteurs polluants, alors que certains bénéficient aujourd'hui de dérogations (taux réduit, exonérations, remboursements), comme le transport aérien et maritime ou le secteur routier, insiste le rapport.

- stop aux dérogations -

Actuellement, il existe 26 dérogations à la taxation des consommations d'énergies fossiles, représentant plus de 10 milliards d'euros de manque à gagner pour les caisses de l'Etat, selon le CPO. Au total, l'ensemble de la fiscalité environnementale (recettes fiscales, dérogations, etc.) représente un enjeu fiscal de 87 milliards d'euros.

Dans le prochain budget, le gouvernement prévoit toutefois de supprimer progressivement la niche fiscale sur le gazole non routier pour le BTP et la construction et de réduire de 2 centimes par litre le remboursement partiel dont bénéficie le transport routier de marchandises sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) frappant le gazole.

Ces mesures ont déjà suscité de vives critiques parmi les entreprises concernées, qui craignent pour leur compétitivité.

Selon la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam), la perte de l'avantage fiscal des compagnies aériennes sur le kérosène leur coûterait "350 millions d'euros" et pourrait entraîner 3.000 à 4.000 suppressions d'emplois.

Mais globalement, le CPO estime que l'impact négatif de l'abandon de ces exonérations reste assez modéré, surtout s'il se fait de manière progressive, laissant le temps aux entreprises concernées de s'adapter. Les effets macroéconomiques sont par ailleurs "limités", représentant "quelques dixièmes de point de PIB", a insisté M. Migaud.

Il plaide aussi pour une action au niveau européen et international, par exemple pour instaurer un droit de douane sur les importations venant de pays peu actifs en matière environnementale.

- transparence -

L'enjeu d'acceptabilité est surtout fort pour les particuliers. Le conseil préconise "d'associer des mécanismes de compensation en direction des ménages les plus affectés, notamment les ménages modestes", sans pour autant subventionner le maintien de la consommation d'énergies fossiles.

Une taxe carbone de 100 euros la tonne en 2030 représenterait un surcoût moyen de 13 euros par an et par ménage. Un surcoût qui monterait à 56 euros pour une taxe de 250 euros la tonne.

Ces compensations ne doivent pas être "des usines à gaz", a toutefois prévenu M. Migaud. Globalement, une bonne acceptation de la taxe carbone passe ainsi par "plus de clarté" et de "transparence" sur les objectifs assignés à cette taxe et l'utilisation de ses recettes.

Elle pourrait par exemple être transformée "en un instrument autonome, dissocié des impôts de rendement que sont les taxes énergétiques", instaurées pour apporter des recettes à l'Etat sans objectif environnemental, propose le conseil.

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