Vaccin contre le Covid-19 : Sanofi donne l'avantage aux USA et crée une polémique

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Par Julien DURY - Paris (AFP)
Publié le 14 mai 2020 - 12:55
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Le géant pharmaceutique Sanofi ne distribuera pas prioritairement aux Etats-Unis un éventuel vaccin contre le Covid-19 si l'Union européenne se montre "aussi efficace"
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© ERIC PIERMONT / AFP/Archives
Le géant pharmaceutique Sanofi ne distribuera pas prioritairement aux Etats-Unis un éventuel vaccin contre le Covid-19 si l'Union européenne se montre "aussi efficace"
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En évoquant la perspective de réserver aux États-Unis la primeur d'un éventuel vaccin contre le Covid-19 parce qu'ils collaborent à son développement, Sanofi a provoqué une levée de boucliers dans le monde, de nombreux dirigeants et organisations appelant à un accès "équitable et universel".

Le laboratoire français, l'un des plus grands spécialistes des vaccins du monde, collabore depuis la mi-février avec l'Autorité pour la recherche et le développement avancée dans le domaine biomédical (Barda), qui dépend du ministère américain de la Santé et qui a apporté 30 millions de dollars.

Conséquence de cette prise de risque financière, les États-Unis auront "le droit aux plus grosses pré-commandes" et pourront ainsi bénéficier d'une avance de plusieurs jours ou semaines sur le reste du monde, a affirmé mercredi le directeur général de Sanofi Paul Hudson, dans un entretien à l'agence Bloomberg.

Un tel vaccin "doit être un bien d'utilité publique et son accès doit être équitable et universel", a réagi jeudi la Commission européenne, qui a organisé début mai un téléthon mondial pour financer la recherche d'un vaccin ayant permis de rassembler 7,4 milliards d'euros de contributions. Le gouvernement américain n'a pour sa part pas participé à cette levée de fonds, préférant faire cavalier seul.

Réactions tout aussi indignées en France où la président Emmanuel Macron juge "nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché", selon l'Elysée.

"L'égal accès de tous au vaccin n'est pas négociable", a abondé le Premier ministre français Édouard Philippe après s'être entretenu avec le président du conseil d'administration du groupe pharmaceutique Serge Weinberg, qui a "donné toutes les assurances nécessaires quant à la distribution en France d'un éventuel vaccin Sanofi".

Un vaccin ou un traitement contre le Covid-19 devrait même être fourni "gratuitement à tous", insistent plus de 140 personnalités, dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le premier ministre pakistanais Imran Khan dans une lettre ouverte.

L'ONG militante Oxfam a pour sa part dénoncé des déclarations "tout simplement scandaleuses".

- "Pourparlers" avec l'Europe -

Face à la levée de boucliers, le géant pharmaceutique assure qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir quant au fait que certains pays seraient privés d'un tel traitement.

De fait, le monde "ne sera pas démuni" si un laboratoire comme Sanofi trouve un vaccin, a estimé le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique français, tout en regrettant de devoir systématiquement accéder à une "préférence nationale" aux États-Unis.

Aux États-Unis, la Barda "se mobilise rapidement" et "travaille tôt avec les industriels" pour "s'assurer que les capacités de production soient en place et les risques partagés", a plaidé jeudi Paul Hudson lors d'une conférence organisée par le Financial Times.

"C'est un modèle rodé, mais [qui] n'existe pas en Europe" où "la prochaine étape sera [d'élaborer] l'instrument pour garantir que nous soyons capables d'assurer la production en Europe et dans le reste du monde", a-t-il ajouté.

"L'objectif, c'est que le vaccin soit disponible à la fois aux USA en France et en Europe de la même manière", a promis le patron du groupe pour la France Olivier Bogillot, dans un entretien à la chaîne BFMTV.

"Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l'UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin", a insisté M. Bogillot, rapportant être en "pourparlers" avec les autorités européennes ainsi que des pays comme la France et l'Allemagne.

Il faut donc que les Etats européens la Commission "assurent rapidement le financement de la recherche", a affirmé le président du Conseil européen, Charles Michel tout en rappelant que "les virus n'ont pas de nationalité".

Sanofi table sur un vaccin prêt d'ici à 18 à 24 mois. En temps normal, "développer un vaccin, ça prend dix ans", "on essaie d'accélérer toutes les phases", a argué le responsable de Sanofi.

L'autorité européenne du secteur, l'Agence européenne des médicaments a, elle, évoqué jeudi un possible vaccin d'ici un an, mais prévenu qu'il s'agissait du scénario le plus optimiste.

Selon la London School of Hygiene and Tropical Medicine, 157 candidats vaccins sont à l'étude, dont 11 sont entrés en phase d'essais cliniques.

jdy-mhc-neo-cha-mra/cbn

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