Vingt ans après, les 35 heures aménagées mais "digérées"

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Par Estelle PEARD - Paris (AFP)
Publié le 31 janvier 2020 - 13:05
Mis à jour le 01 février 2020 - 09:42
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La ministre de l'Emploi et de la Solidarité Martine Aubry (d) lors d'une conférence de presse sur les 35 heures, le 24 juin 1998 à Paris
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© Jack GUEZ / AFP/Archives
La ministre de l'Emploi et de la Solidarité Martine Aubry (d) lors d'une conférence de presse sur les 35 heures, le 24 juin 1998 à Paris
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Le passage aux 35 heures en janvier 2000 a bouleversé la société et les entreprises françaises. Vingt ans après, la durée légale du travail reste inchangée et sa mise en oeuvre a été "digérée", même si la législation a beaucoup évolué, permettant de nombreux aménagements.

"Totem pour les uns, tabou pour les autres", les 35 heures constituent toujours le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, lesquelles donnent droit à un salaire majoré, rappelle Christophe Noël, avocat en droit du travail interrogé par l'AFP.

Les lois Aubry sur les 35 heures de travail hebdomadaires, applicables en 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et en 2002 pour les autres, prévoyaient également la possibilité d'annualiser le temps de travail (1.607 heures par an) et de le gérer sous forme de forfait-jours.

"L'annualisation du temps de travail a été une avancée très forte pour les entreprises, cela leur a offert plus de flexibilité", soutient Eric Heyer, économiste à l'OFCE.

-"Plus de gagnants que de perdants"-

"Les grands entreprises industrielles, qui pouvaient plus facilement se réorganiser, qui avaient beaucoup d'équipements et des salaires modestes pour profiter des baisses de cotisations, étaient gagnantes. En revanche, une petite entreprise de services avec des salariés très bien payés était perdante", explique-t-il. Dans la fonction publique, la mise en oeuvre a été plus rigide, voire "catastrophique dans les hôpitaux" faute d'anticipation, se souvient l'économiste.

"Mais globalement, il y a eu macro-économiquement un peu plus de gagnants que de perdants", juge M. Heyer. Au début des années 2000, "l'économie française s'est beaucoup mieux comportée que ses partenaires européens: à croissance donnée, on a créé plus d'emplois -350.000 selon l'Insee-", même si cette réforme "a coûté cher aux finances publiques".

Régulièrement vilipendées, les 35 heures, en tant que durée légale du travail, "n'ont jamais été remises en cause", souligne Christophe Noël. "Ce qui a énormément évolué en revanche, ce sont tous les aménagements possibles concernant le temps de travail dans les entreprises", relève l'avocat qui déplore une "inflation législative avec une vingtaine de lois en vingt ans".

Parmi elles, "les lois Fillon de 2003 qui détricotent les 35 heures", selon Eric Heyer. "L'entreprise a alors le droit de rester aux 39 heures (...), le surcoût des heures supplémentaires baisse et elle reçoit des aides. Puis en 2007, avec la loi Tepa sous Nicolas Sarkozy, on détricote encore en faisant du +travailler plus pour gagner plus+, en incitant à faire des heures supplémentaires", égrène l'économiste.

Au gré des nouvelles législations, les accords d'entreprise priment de plus en plus sur la loi et permettent de la contourner, en particulier dans les grandes entreprises.

-Davantage que 35 heures-

"L'objectif a été de favoriser les entreprises pour qu'elles ne soient pas trop pénalisées par ces dispositions", analyse Me Noël, et au final elles "ont plutôt bien digéré les lois Aubry. Tout le monde s'y est retrouvé: les entreprises parce qu'il y avait des aménagements possibles, des dérogations et des aides financières, et il y a eu un avantage énorme pour les salariés."

De nombreux Français ont vu leur quotidien, leur rapport au travail changer. "Soudainement on s'est soucié de la vie privée des gens, le travail n'était plus forcément l'unique ambition pour sa vie, on a compris que les salariés n'étaient pas corvéables à merci", relate Me Noël.

Les aménagements successifs ont néanmoins conduit à un constat, dressé en 2016 par un sondage Randstad: "en France, 70% des salariés à temps plein travaillent plus de 35 heures par semaine".

Selon l'Insee, en 2018, la durée hebdomadaire du travail était de 37,3 heures en moyenne en France hors Mayotte, dont 40,5 heures pour les personnes à temps complet. Parmi les non salariés, elle atteignait 54 heures par semaine chez les agriculteurs et 45,9 heures chez les artisans, commerçants et chefs d'entreprise. Pour les salariés à temps complet, la moyenne était de 39,1 heures.

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