Violences conjugales : entre garde alternée et coups reçus, la place de l'enfant en question

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Par Kenan AUGEARD - Paris (AFP)
Publié le 01 août 2019 - 11:00
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Alors qu'il est de plus en plus admis que les enfants sont victimes des violences conjugales dont ils sont témoins, leur place entre les deux parents lorsque ceux-ci se séparent est pointée du doigt p
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© Fred DUFOUR / AFP/Archives
Alors qu'il est de plus en plus admis que les enfants sont victimes des violences conjugales dont ils sont témoins, leur place entre les deux parents lorsque ceux-ci se séparent es
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Alors qu'il est de plus en plus admis que les enfants sont victimes des violences conjugales dont ils sont témoins, leur place entre les deux parents lorsque ceux-ci se séparent est pointée du doigt par les professionnels de la lutte contre ces violences.

"Quand j'ai quitté mon compagnon, j'avais très peur de priver ma fille d'un père": Raphaëlle, mère de deux enfants dont une fille avec un père qui s'est révélé violent, a d'abord voulu, pour elle, rester près de celui qui l'avait maltraitée.

"Je vivais dans la peur, mais je ne voulais pas briser le lien père-fille", regrette aujourd'hui Raphaëlle. "Je pensais que c'était important pour une fille de voir son papa".

"Je sais très bien que, si je coupe les liens, ça va se retourner contre moi", estime pour sa part Valérie, mère de deux enfants dont elle partage l'autorité parentale avec son ex-mari violent. "On me dit souvent +De toute façon, ça reste leur père+". (Les prénoms de Raphaëlle et de Valérie ont été modifiés, ndlr)

Sauf dans de rares cas - ordonnance de protection ou retrait de l'autorité parentale -, le parent violent garde le droit de savoir où habite son ex-compagne, puisqu'il doit savoir où habitent ses enfants.

Depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance, il est inscrit dans le Code civil qu'un parent "peut se voir retirer totalement l'autorité parentale", "notamment lorsque l'enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre".

Selon une étude de l'Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, organisme pionnier en France, les enfants sont co-victimes des violences dans le couple dans 41% des cas et, parmi ceux-ci, 84,5% sont témoins des violences subies par l'un de leurs parents.

- "Une aberration" -

Pourtant, "beaucoup de juges des affaires familiales (JAF) font un clivage entre la relation conjugale et la relation parentale, comme si les auteurs de violences ne s'en prenaient qu'à leur conjoint", regrette Karen Sadlier, psychologue spécialiste de la prise en charge des enfants et adolescents.

"C'est une aberration" qu'un parent violent conserve l'autorité parentale, juge Martine Brousse, présidente de l'association La voix de l'enfant. "Ce n'est pas parce qu'un homme et une femme font un enfant qu'ils deviennent père et mère", estime-t-elle.

Pour l'enfant, les conséquences des violences conjugales sont multiples: "psychotraumatisme, difficultés de concentration et d'attention, troubles du sommeil et de l'alimentation...", énumère Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis.

Dans de nombreux cas, pourtant, le parent violent conserve au moins un droit de visite, voire la garde alternée de ses enfants. "On a vu des enfants se cacher sous la table pour ne pas voir leur père", se souvient Ernestine Ronai.

L'enfant est parfois utilisé par le parent violent comme prétexte, voire comme appât. "Souvent, les pères violents veulent garder un droit de visite pour revoir la mère, lui faire peur et la remettre sous emprise", estime Mme Ronai.

- L'enfant, "un enjeu" -

Une volonté d'"emprise" qui, parfois, va jusqu'à la violence sur les enfants eux-mêmes. La fille de Raphaëlle a ainsi rapporté, l'année passée, des abus sexuels commis par son père.

"L'enfant devient un enjeu", estime aujourd'hui Raphaëlle. "Quoi de mieux pour faire souffrir une femme que de s'en prendre à ce qu'elle a de plus cher ?"

Pour mettre fin à ces situations, les experts spécialistes des violences conjugales proposent la même chose: que le rôle du parent violent soit remis en question. "En cas de violences, la garde est à proscrire totalement", estime Ernestine Ronai.

Karen Sadlier appelle pour sa part à "sortir d'une logique unique de la coparentalité quand on est face a un adulte violent", logique qui rend le retrait de l'autorité parentale si rare. "On demande que les enfants soient traités comme des victimes des violences conjugales, pas comme des témoins", complète Martine Brousse.

En 2018, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 21 enfants et 121 femmes ont été tués lors de violences au sein du couple.

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