"Vous aviez déjà frappé Madame ?" A Versailles, les violences conjugales au tribunal

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Par Anne LEC'HVIEN - Versailles (AFP)
Publié le 06 septembre 2019 - 12:32
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"Il n'y a pas de petite violence". Sur le banc des parties civiles, une femme. A la barre, un homme qui partage, ou partageait, sa vie. A Versailles, le tribunal correctionnel a jugé jeudi des dossiers de violences conjugales, enjeu d'un Grenelle gouvernemental.

"Il n'y a pas de petite violence"

Il est chauffeur de VTC, a 24 ans et est poursuivi pour avoir, un après-midi de mai, frappé son ex-compagne sur le parking d'un centre commercial, où il était allé la chercher pour "voir leur fille".

Sur les enregistrements de vidéosurveillance, on le voit gifler la jeune femme, lui tirer les cheveux et lui donner trois coups derrière la tête, avant que des témoins n'interviennent, décrit la présidente du tribunal.

"Y a-t-il déjà eu des violences auparavant ?" interroge-t-elle. "Des petites violences, mais sans plus. On s'insultait...", répond le prévenu. "Vous savez qu'il n'y a pas de petite violence. Aucune violence n'est jamais justifiable", répond la présidente.

La plaignante se lève. Elle confirme avoir déposé, deux mois avant les faits, une première main courante. "C'était pas la première fois, il m'a tapée quand j'étais enceinte de ma fille", dit-elle.

Déjà sanctionné pour d'autres infractions, le prévenu est condamné, après une suspension, à deux mois ferme.

"Ça n'était plus vivable"

On entend ses mots sur des enregistrements transmis par la plaignante: "Je vais te tuer", "tu vas te prendre une bastos", "tu vas mourir", lit la présidente.

Le prévenu comparaît pour ces menaces et pour deux épisodes de violence pendant la procédure de divorce, où il l'a attrapée par le bras avant de brandir un poing menaçant devant son visage - la seconde fois, elle parle aussi d'un coup à la hanche.

La présidente énumère les mains courantes, une dizaine, que la victime a déposées dans les mois précédant les faits.

"J'ai porté plainte parce que ce n'était plus vivable, j'avais peur", explique-t-elle. "Pour moi, il était en dépression alcoolique. Je veux m'assurer qu'il se fasse suivre", dit-elle, indiquant qu'ils partagent toujours la garde de leurs fils, sans violence, depuis.

"J'ai eu une période très difficile", "je m'étais enfermé dans l'alcool", déclare cet homme, qui reconnaît la plupart des faits et les "regrette".

"Les enfants sont des éponges, ils absorbent tout ce qu'ils voient, ce qu'ils entendent", lance notamment la procureure dans son réquisitoire. "Des enfants qui assistent à la violence contre leur mère deviennent souvent (...) des adultes violents".

Le prévenu est condamné à deux mois avec sursis et obligation de soins.

"Elle n'a pas à être obéissante"

Ils sont mariés depuis 2015, ont une fille de onze mois. Il est jugé pour lui avoir, au cours d'une dispute, demandé de quitter l'appartement, l'avoir "tirée par les pieds", puis avoir sorti un taser avant qu'elle ne quitte les lieux.

Le prévenu de 36 ans dit à la barre avoir "fait une erreur". "A l'heure actuelle, ça va beaucoup mieux, on se dit les choses", estime la jeune femme, confirmant leur intention de rester ensemble.

"La femme en France a strictement les mêmes droits qu'un homme", "elle n'a pas à être obéissante", lance la procureure dans un réquisitoire féroce, requérant 2 mois avec sursis.

L'avocat de la défense évoque le casier vierge, plaide pour une "sanction symbolique". Le prévenu est condamné à 30 jours amende à 20 euros et à l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux violences conjugales.

"Protéger" les femmes, "parfois contre elles-mêmes"

La main courante mentionnait des "coups de poing au visage", "des coups de pied aux jambes", au cours d'une dispute en pleine nuit où il était alcoolisé. Le pâtissier de 27 ans reconnaît à la barre une partie des faits évoqués, affirme qu'il "regrette beaucoup".

Elle déclare, la voix parfois chancelante, être allée au commissariat sur les conseils de son médecin, pour "chang(er) quelque chose dans (leur) relation" mais ne "jamais" avoir "voulu que ça arrive jusqu'à aujourd'hui", au tribunal.

"Le fait que vous n'ayez pas déposé plainte", cela "n'empêche pas que monsieur soit poursuivi", explique la présidente.

Le ministère public est "là pour protéger (les) femmes et parfois contre elles-mêmes", prolonge la procureure. "La violence dans un couple c'est très grave, cela conduit à la mort fréquemment". "Au-delà d’une femme qui est battue, c'est l'ensemble de la communauté féminine qui est atteinte."

Il est condamné à 3 mois avec sursis.

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