Afghanistan : Kaboul au ralenti durant la "loya jirga"

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Par Emal HAIDARY - Kaboul (AFP)
Publié le 30 avril 2019 - 16:59
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Le président afghan Ashraf Ghani à l'ouverture de la Loya Jirga à Kaboul, le 29 avril 2019
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© RAHMAT GUL / POOL/AFP
Le président afghan Ashraf Ghani à l'ouverture de la Loya Jirga à Kaboul, le 29 avril 2019
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Habituellement animée et chaotique, Kaboul fonctionnait au ralenti mardi du fait de mesures de sécurité drastiques visant à sécuriser la "loya jirga", une grande assemblée consacrée aux efforts des États-Unis pour parvenir à un accord de paix avec les talibans.

La police a bloqué les routes principales autour du lieu de la réunion, où quelque 3.000 dirigeants communautaires, personnalités religieuses et autres hommes politiques de tout l'Afghanistan sont réunis depuis lundi et pour quatre jours.

Des talibans armés de roquettes et d'armes à feu avaient attaqué une jirga de la paix de 2010 au même endroit. En 2011, deux roquettes avaient été tirées sur Kaboul pendant une jirga de deux jours.

Nombre d'habitants de Kaboul se disent furieux des restrictions de circulation qui leur sont imposées. Le blocage aurait déjà fait une victime, un bébé décédé alors que son père tentait en vain de l'emmener à l'hôpital, selon les médias locaux.

"Hier, je n'ai pu emmener que deux passagers d'un bout à l'autre de la ville. Il m'a fallu trois heures pour faire un trajet de 15 minutes", a regretté Nasrullah, un chauffeur de taxi, qui n'a communiqué que son prénom à l'AFP.

Le gouvernement a décrété une semaine fériée pour limiter les trajets de la population, ce qui impacte fortement le commerce dans ce qui aurait dû être une semaine d'achats frénétiques, quelques jours avant le début du ramadan.

"Il est bon d'assurer la sécurité des participants. Mais cela ne devrait pas se faire au détriment des entreprises", a déploré Taj Mohammad, un commerçant, pour qui les plus pauvres ont été particulièrement impactés.

- "Perte de temps" -

Cette semaine de vacances forcées coûte un million de dollars par jour aux entreprises afghanes, a estimé Siam Pasarly, un expert en économie.

"L'Afghanistan est un pays en développement et son moteur économique devrait tourner toute la journée", a-t-il estimé. "Une semaine d'arrêt est comme un poison pour l'économie".

Le gouvernement afghan a convoqué la "loya jirga", - "grande assemblée" en langue pachtoune - alors qu'États-Unis et talibans discutent d'un éventuel retrait des troupes étrangères d'Afghanistan en échange d'un cessez-le-feu permanent et de diverses promesses des insurgés.

Mais les autorités afghanes, dénoncées comme des "marionnettes" de Washington par les insurgés, ont jusqu'à présent été tenues à l'écart de ces discussions. Une nouvelle série de pourparlers entre les talibans et les États-Unis doit avoir lieu au Qatar dans les prochains jours.

Le gouvernement d'Ashraf Ghani espère que la jirga établira les lignes rouges de Kaboul pour tout accord, notamment le maintien de la Constitution et la protection des droits des femmes, des médias et de la liberté d'expression.

Mais lui-même ne fait pas l'unanimité. Le chef de l'exécutif afghan Abdullah Abdullah boycotte notamment l'événement, affirmant qu'il a été organisé sans consultation et qu'il est utilisé par Ashraf Ghani pour faire campagne en vue de l'élection présidentielle prévue en septembre.

M. Ghani avait également invité les talibans à la loya jirga. Mais les insurgés, qui mènent une guérilla acharnée depuis 2001, ont refusé d'y participer.

Cette loya jirga est une "perte de temps", a tonné Ahmad Khan, un autre chauffeur de taxi.

"De telles jirgas ont eu lieu dans le passé sans résultat positif. Et le gouvernement n'a même pas réussi à convaincre les talibans de participer aux pourparlers", a-t-il observé, interrogé par l'AFP.

Cette grande réunion est "un coup dur économique pour une main-d'œuvre pauvre comme nous, qui sortons le matin pour gagner une bouchée de pain, s'est-il lamenté. Comment pouvons-nous nourrir nos familles dans les prochains jours ?"

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