Après les frappes occidentales, l'horizon toujours aussi incertain de la Syrie

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Par Simon VALMARY - Beyrouth (AFP)
Publié le 20 avril 2018 - 15:01
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Une photo satellite obtenue par Distribution Airbus DS, montre une installation militaire du régime syrien dans la région de Damas, après avoir été visée par les frappes des Etats-Unis, de la France e
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© Handout / Cnes 2018, Distribution Airbus DS/AFP
Une photo satellite obtenue par Distribution Airbus DS, montre une installation militaire du régime syrien dans la région de Damas, après avoir été visée par les frappes des Etats-
© Handout / Cnes 2018, Distribution Airbus DS/AFP

Frappes occidentales contre le régime, passes d'armes diplomatiques, enquête bloquée: l'attaque chimique présumée sur Douma a déclenché un spectaculaire regain de tensions autour du conflit en Syrie mais, sur le terrain comme à l'ONU, les lignes n'ont pour l'instant guère bougé.

Les frappes menées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont visé le 14 avril trois sites servant, selon eux, au programme d'armement chimique du régime de Bachar al-Assad, accusé de l'attaque supposée aux gaz toxiques le 7 avril à Douma, alors ultime bastion rebelle près de Damas.

Le régime Assad et son allié russe ont démenti toute responsabilité dans cette attaque qui, selon des secouristes, a fait plus de 40 morts. Mais pour les Occidentaux, le pouvoir syrien a franchi une "ligne rouge".

Une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) dépêchée pour enquêter, est pour le moment bloquée à Damas.

Après avoir présenté ces frappes comme un "succès", les Occidentaux ont dit vouloir relancer la diplomatie pour une "solution politique" au conflit qui a fait depuis 2011 plus de 350.000 morts et jeté des millions de personnes sur les routes de l'exil.

Ces raids "ne vont pas changer le cours de la guerre civile en Syrie", estime Joshua Landis, directeur du Centre d'études moyen-orientales à l'université d'Oklahoma.

- "Piqûre d'anesthésie" -

En Syrie, les frappes ont galvanisé les partisans de M. Assad.

Les civils pris au piège des combats, eux, n'ont guère d'illusions. "Ce n'est qu'une piqûre d'anesthésie. Le régime va de nouveau utiliser la force contre nous", soupire Ahmad, un évacué de Douma.

Un an plus tôt presque jour pour jour, une attaque au gaz sarin contre le village syrien Khan Cheikhoun (nord-ouest), où plus 80 personnes avaient péri, avait déjà entraîné des frappes américaines.

En 2013, après une autre attaque au gaz sarin (1.429 morts selon Washington), le régime Assad avait aussi nié toute implication mais s'était engagé à détruire ses armes chimiques.

L'OIAC avait ensuite confirmé que la Syrie s'en était débarrassée, même si les Occidentaux ont exprimé leurs doutes, après plusieurs accusations d'attaques chimiques ces dernières années.

L'OIAC est revenue en Syrie le 14 avril pour enquêter à Douma. Mais ses experts n'ont toujours pas eu accès à la ville, passée sous contrôle des forces syriennes et russes qui affirment que leur sécurité ne peut être assurée.

Les Occidentaux redoutent que d'éventuelles preuves biologiques (échantillons d'urine ou de sang de survivants, prélèvements sur cadavres) ou matérielles (bâtiments, sol...) disparaissent.

Selon des experts interrogés par l'AFP, si le chlore est moins facile à détecter après un certain délai, les traces de sarin peuvent être retrouvées durant plusieurs semaines, voire plus.

- "Prestige" -

Washington et Paris assurent avoir la preuve de l'utilisation d'agents chimiques. Leurs frappes en étaient une sanction.

"Les trois dirigeants (américain, français et britannique) ont bien dit qu'ils n'essayaient pas de changer le cours de la guerre, qu'ils ne voulaient pas changer le rapport de forces en Syrie. La question ne porte pas sur le fait de tuer des gens, mais comment ils sont tués", souligne Joshua Landis.

Les Occidentaux voulaient seulement "récupérer leur prestige", accuse l'opposant Yassin al-Haj Saleh. La Syrie est pour lui "un symbole mondial d'injustice et d'anéantissement et le régime reste à l'abri, sans perspective qu'on lui demande des comptes".

A l'ONU, les Occidentaux ont présenté une résolution au Conseil de sécurité, qui aborde pour la première fois simultanément les aspects chimique, humanitaire et politique du conflit. Moscou, qui a utilisé 12 fois son veto depuis 2011, l'a accueillie avec circonspection.

L'intervention en 2015 des forces russes en Syrie a permis aux troupes de M. Assad de renverser une situation militaire défavorable et de reprendre le contrôle de plus de la moitié du territoire, où vit deux tiers de la population.

Après la reconquête totale de la vaste région de la Ghouta orientale aux portes de Damas, le régime, qui apparaît plus fort que jamais, se concentre désormais sur les poches du sud de la capitale aux mains du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Une défaite de l'EI à Damas, avec son bastion emblématique de Yarmouk, permettrait à M. Assad de contrôler l'ensemble de Damas et ses environs pour la première fois depuis 2012.

"Pour qu'une initiative diplomatique marche, l'équilibre sur le terrain doit changer, sinon le régime, soutenu par la Russie et l'Iran, aura toujours l'ascendant", estime Nabil Khoury, expert américain à l'Atlantic Council. "En l'état, même avec les dernières frappes, l'Occident n'a pas sa place autour de la table".

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