Après l'ouragan Maria, l'épreuve continue pour des Porto-Ricains déplacés à New York

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Par Cecilia BUTINI - New York (AFP)
Publié le 19 septembre 2018 - 08:45
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L'ouragan Maria a dévasté Porto Rico en septembre 2017
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© Ricardo ARDUENGO / AFP/Archives
L'ouragan Maria a dévasté Porto Rico en septembre 2017
© Ricardo ARDUENGO / AFP/Archives

Elles sont arrivées à New York depuis Porto Rico après le passage dévastateur de l'ouragan Maria en septembre 2017. Un an plus tard, comme beaucoup de Porto-Ricains peinant à refaire leur vie aux Etats-Unis, Joannelly Cruz et sa mère vivent dans un foyer pour sans-abri.

Malgré les difficultés, elles n'envisagent pas de retourner à Porto Rico.

"Je crois que venir ici était la meilleure chose à faire", dit Joannelly, 16 ans, en repensant à la catastrophe qui a ravagé son île natale, provoquant la mort de près de 3.000 personnes et laissant de nombreux stigmates.

Mais la vie est loin d'être une promenade de santé à New York. Joannelly et sa mère, Gloria Martinez, partagent ici un lit dans une petite chambre. Elles n'ont pas de cuisine et leurs maigres biens sont dispersés sur une table, qui sert aussi de bureau à l'adolescente lorsqu'elle fait ses devoirs.

"Ça a été dur de s'adapter", raconte la jeune fille. "C'est assez difficile de s'asseoir et de faire ses devoirs dans un si petit espace, mais je me débrouille".

Sa mère et elle espèrent qu'elles pourront bientôt s'installer dans un logement social.

"Puisque nous sommes sans-abri par accident, ils devraient nous classer comme prioritaires pour le logement", juge Gloria Martinez, inquiète de la précarité de leur vie.

- Indifférence -

L'ouragan Maria a provoqué la mort de 2.975 personnes à Porto Rico, selon une étude commandée par le gouvernement local de ce territoire américain, et des dizaines de milliards de dollars de dégâts.

L'agence américaine de gestion des services d'urgence (Fema) a d'abord couvert les frais d'hôtel des évacués mais le programme s'est achevé en mai, avant que des décisions de justice ne le maintiennent durant l'été. Sachant qu'il allait se terminer, beaucoup sont allés dans des refuges.

Une porte-parole de la ville de New York a dit à l'AFP que les responsables s'attendaient à voir 700 Porto-Ricains dans des foyers pour sans-abri au premier anniversaire de la catastrophe.

Les Porto-Ricains relocalisés sur le continent ne peuvent bénéficier d'abris à long terme financés par le gouvernement, contrairement aux autres survivants d'ouragans aux Etats-Unis.

Latino Justice, une organisation qui a déposé une plainte en nom collectif contre la Fema, estime que cette politique viole les droits constitutionnels des évacués.

"Nous affirmons qu'il est de la responsabilité de la Fema de subvenir aux besoins de ces individus", a dit à l'AFP Natasha Bannan, une avocate de ce groupe.

Beaucoup voient dans l'attitude de la Fema une preuve de l'indifférence du gouvernement de Donald Trump envers Porto Rico.

"Ils ne comprennent pas la gravité de la situation que nous avons traversée", lâche Sofia Miranda, ancienne courtière en assurances de 44 ans et évacuée.

Les quelque 3,4 millions d'habitants de cette île caribéenne qui a le statut de "territoire associé" aux Etats-Unis sont des citoyens américains, mais n'ont pas le droit de vote à la présidentielle.

- "Crise émotionnelle" -

La Fema avait proposé de rapatrier les évacués, gratuitement, jusqu'au 30 août. Sur les milliers de déplacés, quelque 500 seulement ont accepté l'offre, selon l'agence.

Sofia Miranda, qui partage une chambre avec sa mère et son fils, est déterminée à rester mais dit aussi que la vie dans l'abri a laissé des séquelles.

"Je suis dans l'incertitude. On ne m'a pas dit si j'avais droit à un logement ou si je pouvais rester dans ce refuge. Je n'arrive pas à dormir", confie-t-elle.

Rafael Barreto, lui aussi évacué à New York, fait du travail communautaire. Il évoque le traumatisme psychologique persistant chez ces déplacés.

"Il y a une crise émotionnelle ici, après avoir quitté (les lieux) du désastre. Quand il y a des vents forts, beaucoup d'entre nous sont ramenés en arrière", dit-il.

Leonell Torres, psychologue clinique qui suit des déplacés, explique que chaque relocalisation est elle-même un évènement traumatique.

"Il y a une idée fausse selon laquelle être ici est une garantie pour être en bonne santé", dit-il.

Dans un rapport publié cet été, la Fema a admis qu'elle n'était pas prête à gérer l'après-Maria, qu'elle était en sous-effectif et qu'elle avait tardé à livrer les produits de première nécessité.

"Tout a été très compliqué, très frustrant, et la majorité (d'entre nous) pensait que parce que nous sommes des citoyens américains, nous ne serions pas traités différemment", dit amèrement M. Barreto.

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