Attentat déjoué : les accusations de Paris tombent mal pour le président iranien

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Par Kay Armin SERJOIE - Téhéran (AFP)
Publié le 03 octobre 2018 - 20:54
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Bahram Ghasemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, donne une interview à l'AFP le 2 octobre 2018 à Téhéran
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© ATTA KENARE / AFP
La mise en cause de Téhéran dans un projet d'attentat déjoué en France arrive à un mauvais moment pour le président Hassan Rohani, qui joue son crédit politique sur la sauvegarde de l'accord sur le nucléaire avec les Européens, les Russes et les Chinois.
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La mise en cause de Téhéran dans un projet d'attentat déjoué en France arrive à un mauvais moment pour le président Hassan Rohani, qui joue son crédit politique sur la sauvegarde de l'accord sur le nucléaire avec les Européens, les Russes et les Chinois.

"A l'heure actuelle, des allégations comme celles-ci, qu'elles soient vraies ou fausses, ne feront que porter préjudice au gouvernement Rohani et à la nation iranienne, à la modération politique en Iran en général [...] et nuire aux relations géopolitiques entre l'Iran et l'Europe", estime Saïd Leylaz, professeur d'histoire de l'économie à l'Université Shahid-Beheshti de Téhéran.

"La survenue de la moindre tension entre l'Iran et l'Europe, et tout particulièrement la France, correspond aux vœux des ultras, qu'ils se trouvent à Téhéran, Washington, Tel-Aviv ou Ryad", ajoute cet universitaire proche des réformateurs dans un entretien avec l'AFP.

Paris a annoncé mardi le gel d'avoirs de deux personnes - dont un diplomate iranien arrêté en Allemagne - ainsi que d'une entité du ministère du Renseignement iranien, les accusant d'être derrière une tentative d'attentat que les autorités françaises disent avoir déjoué en juin.

Selon Paris, le projet visait un rassemblement des Moudjahidine du peuple - mouvement d'opposition considéré par Téhéran comme "terroriste" - fin juin à Villepinte, près de Paris.

- "Semer la discorde" -

Une source diplomatique française a aussi accusé la "direction des opérations du ministère du Renseignement" (iranien, d'avoir) commandité" l'attentat déjoué.

Le porte-parole des Affaires étrangères iranien, Bahram Ghassemi a démenti "avec véhémence", "complètement et énergiquement", toutes ces allégations et insisté sur la "relation importante et de longue date" entre Paris et Téhéran.

"Nous voyons que certaines sphères n'apprécient pas notre relation avec les Européens, ni que l'Iran reste dans l'accord nucléaire et continue sa coopération économique avec" l'Union européenne, a-t-il ajouté, accusant Washington de vouloir "semer la discorde entre l'Iran et l'UE".

Conclu en juillet 2015 à Vienne, deux ans après l'élection de M. Rohani, l'accord international sur le nucléaire iranien a permis de sortir la République islamique de son isolement international.

Le texte a entraîné la levée d'une partie des sanctions internationales qui visaient Téhéran en échange de quoi l'Iran a accepté de brider drastiquement son programme nucléaire afin de garantir que celui-ci ne peut être utilisé à des fins militaires.

M. Rohani a été réélu en 2017 sur la promesse de continuer une politique de détente avec la communauté internationale afin de permettre au pays de profiter pleinement des retombées économiques escomptées de l'accord de Vienne.

Depuis le retrait unilatéral des États-Unis de ce pacte en mai (suivi du rétablissement d'un premier train de sanctions américaines en août), M. Rohani, qui fait figure de modéré, clame sa volonté de maintenir l'accord en vie, tant que les intérêts iraniens sont préservés, avec les autres parties prenantes: l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Union européenne ainsi que la Chine et la Russie.

- "Un piège" -

Mais le clan ultraconservateur, qui n'a de cesse de critiquer ses choix politiques, met régulièrement en garde contre les Européens, dépeints comme des interlocuteurs à qui on ne peut faire confiance ou qui n'ont pas la volonté de s'affranchir des États-Unis.

"Je suis certain que" toute cette affaire autour du projet d'attentat présumé de Villepinte "est une source d'inquiétude pour le gouvernement parce qu'elle survient au moment où la République islamique d'Iran a besoin de chaque relation ou lien particulier avec l'Occident moins les États-Unis", indique M. Leylaz.

L'universitaire voit un parallèle entre la situation actuelle et l’assassinat, en France en 1991, du dernier Premier ministre du Chah, Chapour Bakhtiar. Ce meurtre avait provoqué une crise diplomatique entre Paris et Téhéran et contraint François Mitterrand, alors président à annuler une visite officielle prévue à Téhéran.

"Je ne suis pas au courant des aspects légaux des accusations" françaises, dit pour sa part à l'AFP Amir Mohebian, analyste politique proche des conservateurs, "mais il est certain que les bénéficiaires de ces événements sont les Moudjahidine du peuple".

"Il n'y a aucune justification logique à ce que la République islamique [commandite des attentats à l'étranger] dans la période délicate actuelle", ajoute l'universitaire.

Que toute cette affaire survienne alors que l'Iran essaie de mettre en œuvre avec l'Union européenne un mécanisme pour maintenir l'accord de Vienne en vie n'est "certainement pas une coïncidence", estime-t-il, soupçonnant "un piège" tendu par les services de renseignement de pays souhaitant "nuire aux relations entre l'Iran et l'UE".

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