Au Vietnam, Trump et Kim face à des questions pour l'heure sans réponse

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Par Sunghee Hwang - Hanoï (AFP)
Publié le 25 février 2019 - 07:45
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Des policiers vietnamiens devant les drapeaux nord-coréen et américain sur une affiche annonçant le prochain sommet entre les deux dirigeants, le 24 février 2019 à Hanoï
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© Jewel SAMAD / AFP
Des policiers vietnamiens devant les drapeaux nord-coréen et américain sur une affiche annonçant le prochain sommet entre les deux dirigeants, le 24 février 2019 à Hanoï
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Le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un se retrouvent cette semaine à Hanoï, avec pour perspective de donner de la substance à la déclaration vague sortie de leur rendez-vous historique à Singapour en juin.

Ce tête-à-tête, le premier entre dirigeants des Etats-Unis et de la Corée du Nord, fut empreint d'ambiguïtés que le sommet de Hanoï mercredi et jeudi devra contribuer à lever.

En juin, M. Kim s'était engagé à "travailler vers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne". Mais depuis lors, le manque de progrès fait dire aux esprits chagrins que les deux dirigeants ne recherchaient que les gros titres et des gains à court terme.

Stephen Biegun, l'émissaire des Etats-Unis pour la Corée du Nord, a récemment reconnu que Pyongyang et Washington ne s'étaient "pas accordés sur la signification" de la dénucléarisation.

Les Etats-Unis ont maintes fois réclamé que Pyongyang se débarrasse de son arsenal nucléaire de manière complète, vérifiable et irréversible.

Pour le Nord, la dénucléarisation a un sens plus large. Il veut la levée des sanctions internationales qui l'étranglent et la fin de ce qu'il perçoit comme les menaces américaines contre lui, à savoir la présence militaire en Corée du Sud et dans la région en général.

"L'ambiguïté et le manque de clarté autour de la dénucléarisation ne font qu'exacerber le scepticisme sur les engagements des Etats-Unis comme de la Corée du Nord", écrit Shin Gi-wook, directeur du Programme Corée de l'Université de Stanford.

Le président américain a manié la carotte et le bâton, louant le potentiel économique du Nord tout en soulignant que des sanctions resteraient en place tant que Pyongyang n'aura pas fait de geste "significatif".

- "Pire scénario" -

Et dimanche soir à la Maison blanche, il a insisté sur le maintien en l'état des sanctions, semblant tempérer les espoirs de percée à Hanoï.

"Les sanctions sont en place. Tout est en place. Mais nous avons une bonne impression et je pense que cela peut donner quelque chose de très bon. Peut-être pas", a-t-il dit.

"Je ne veux presser personne. Je ne veux tout simplement plus d'essais. Tant qu'il n'y a pas d'essais, nous sommes contents", a-t-il ajouté.

La Corée du Nord martèle qu'elle a déjà fait des gestes, en s'abstenant depuis plus d'un an de tout tir de missile balistique et d'essai nucléaire et en faisant sauter les accès à son site d'essais nucléaire.

Mais parallèlement, elle souligne qu'elle a fini de développer son arsenal et qu'elle n'a plus besoin de telles infrastructures.

Les autorités nord-coréennes mettent en avant une exigence clé soulevée par M. Kim dans son discours du Nouvel An, à savoir que Washington doit réagir avec des "actions pratiques correspondantes", soulignent des diplomates à Pyongyang.

Les deux parties devront faire "au moins un pas en avant sur la dénucléarisation", juge Harry Kazianis, du groupe de réflexion conservateur Center for the National Interest. "Rien ne serait pire pour chacun que de sortir de la réunion en ayant perdu son temps."

En attendant, les hauts responsables des deux camps multiplient les préparatifs. M. Biegun et son homologue nord-coréen Kim Hyok Chol devraient peaufiner une déclaration commune jusqu'en début de matinée mercredi.

A Washington, certains privilégient la sécurité des ressortissants américains. Ce qui a fait naître des spéculations sur le fait que Donald Trump serait prêt à accepter une Corée du Nord dotée de la bombe atomique si elle renonçait à ses missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) capables d'atteindre le territoire continental des Etats-Unis.

Un tel cas de figure signifierait que la Corée du Sud et le Japon, deux alliés des Etats-Unis, seraient toujours à la merci de l'arsenal nord-coréen. Il s'agirait du "pire scénario", selon le Korea Herald.

M. Trump, qui avait affirmé après Singapour que la menace nucléaire nord-coréenne était terminée, rêve à voix haute du Nobel de la paix.

- "Intérêt personnel" -

"M. Trump va certainement se focaliser plus sur un fil narratif selon lequel il a obtenu la paix plutôt que pousser M. Kim à la dénucléarisation", prédit Scott Seaman, analyste chez Eurasia Group.

Pour Kim Yong-hyun, de l'Université Dongguk, le meilleur scénario serait que les deux dirigeants se mettent d'accord sur une feuille de route pour la dénucléarisation.

Le Nord pourrait accepter de prendre des mesures "visibles, symboliques", comme la fermeture du complexe nucléaire de Yongbyon ou le démantèlement des ICBM, dit le spécialiste.

Washington pourrait promettre des garanties de sécurité sous la forme d'une déclaration officielle sur la fin de la guerre de Corée (1950-53) qui s'est achevée sur un armistice, ou l'ouverture de bureaux de liaison.

Cela constituerait le début d'une normalisation des relations, commente Go Myong-hyun, de l'Institut Asan des études politiques. Une "mesure politique symbolique" qui remplacerait un allègement prématuré des sanctions.

"Les espoirs précédents selon lesquels on est à un tournant sont probablement déplacés", dit-il à l'AFP.

Le caractère imprévisible de M. Trump pourrait également jouer, jugent certains analystes, pour qui le sommet est un moyen bienvenu de détourner l'attention de ses soucis internes, en particulier les accusations d'ingérence russe dans la campagne de 2016.

Soo Kim, ancien analyste de la CIA, dit à l'AFP: "M. Trump pourrait impulsivement faire des concessions importantes à Kim par pur intérêt personnel".

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