Aznavour, la recette unique d'une réussite française aux Etats-Unis

Auteur:
 
Par Thomas URBAIN - New York (AFP)
Publié le 02 octobre 2018 - 10:09
Image
Des fleurs ornent l'étoile de Charles Aznavour sur le célèbre "Walk of Fame" de Los Angeles, le 1er octobre 2018
Crédits
© Tommaso Boddi / AFP
Des fleurs ornent l'étoile de Charles Aznavour sur le célèbre "Walk of Fame" de Los Angeles, le 1er octobre 2018
© Tommaso Boddi / AFP

Charles Aznavour reste l'un des très rares exemples de réussite française aux Etats-Unis, construite sur sa maîtrise de l'anglais, son talent scénique, sa popularité auprès des diasporas et le respect qu'il inspirait à de nombreux artistes américains.

Maurice Chevalier et Edith Piaf y ont eu leur heure de gloire, mais depuis un demi-siècle, il n'y avait que "The Last Chanteur", comme l'appelait le New York Times, pour remplir des salles aussi fréquemment aux Etats-Unis.

Entre sa première prestation au Carnegie Hall en mars 1963, qu'il avait ce soir-là loué à ses frais, et sa dernière en 1999, Charles Aznavour a chanté 46 fois dans la prestigieuse salle new-yorkaise.

Il a également fréquenté de nombreux autres lieux de renom à New York, comme le Theater at Madison Square Garden ou le Radio City Music Hall, et donné près de 100 concerts au total.

"Je n'avais vu qu'Ella Fitzgerald et Frank Sinatra recueillir de tels applaudissements et susciter un tel attachement du public", raconte à l'AFP Gino Francesconi, qui travaillait à l'époque, dans les années 1970, en coulisses au Carnegie Hall.

"Quand il montait sur scène, la salle était à lui, comme Sinatra", se souvient celui qui est aujourd'hui directeur des archives du lieu. "Ils étaient très similaires dans la manière dont le public réagissait à eux et dont ils réagissaient à lui".

- Bob Dylan "retourné" -

Bien qu'ayant écrit ou traduit plusieurs dizaines de ses chansons en anglais, et malgré les nombreux duos enregistrés avec des vedettes américaines, Charles Aznavour n'a jamais vendu beaucoup de disques aux Etats-Unis.

"She", sans doute son titre le plus connu dans la langue de Shakespeare, n'est même jamais entré dans le classement des 100 meilleures ventes à sa sortie, en 1974.

"Il n'était certainement pas grand public" aux Etats-Unis, estime Scott Gorenstein, longtemps attaché de presse de Liza Minnelli, grande amie de Charles Aznavour.

"Et si vous connaissiez Charles Aznavour ici aux Etats-Unis, cela voulait dire que vous vous intéressiez à une certaine catégorie de musique et que vos goûts étaient un peu plus raffinés" que la moyenne, selon lui.

Outre la communauté française aux Etats-Unis, Shahnourh Varinag Aznavourian, de son nom de naissance, y a bénéficié du soutien de la diaspora arménienne, et au-delà.

"Quand j'étais petit, il y avait les Beatles, Billy Joel, tous les artistes populaires durant les années 1970, et aussi ses disques" à la maison, se remémore Danny Deraney, qui dirige l'agence de relations publiques Deraney Public Relations et dont la mère est d'origine arménienne.

"Mais personne dans mon cercle d'amis ne savait qui il était", ajoute-t-il.

"Lorsque beaucoup de Libanais ont fuit durant les années 1970 pour venir en Amérique, sa musique était la chose qu'ils avaient en commun", décrit M. Deraney, dont le père est d'origine libanaise.

"Il a été capable d'avoir un écho dans tellement de pays différents et de chanter ses chansons dans leur langue", dit-il. "Cela vous montre le genre de virtuose et de personnalité qu'il était".

Assis sur cette notoriété auprès de franges du public américain, Charles Aznavour a bénéficié selon lui du "bouche à oreilles", bien alimenté par des artistes américains de premier plan, pour élargir son audience.

Frank Sinatra, Liza Minnelli et Bob Dylan ont tous dit le respect qu'ils avaient pour ce géant de 1,60 m.

"Je l'ai vu au Carnegie Hall et il m'a retourné la tête", expliquait le Nobel de littérature 2016 dans un entretien au magazine Rolling Stone en 1987.

Lundi, Liza Minnelli, Barbra Streisand, Quincy Jones, Josh Groban ou encore Lenny Kravitz lui ont rendu un hommage appuyé.

"Liza parlait de Charles tout le temps. Tout le temps", explique l'ancien attaché de presse de la chanteuse, Scott Gorenstein. "Elle adorait sa façon de raconter des histoires dans ses chansons. (...) C'est ce qu'elle a appris de lui."

Une invitation au Muppet Show en 1976, une étoile sur Hollywood Boulevard en 2017: quelques signes montrent que Charles Aznavour s'est finalement bien inscrit, au fil du temps, dans la culture populaire américaine.

"Je ne sais pas qui d'autre faisait ce qu'il faisait", s'interroge M. Gorenstein. "Est-ce qu'on le voit chez d'autres aujourd'hui? Non, mais je pense qu'il a toujours été unique".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.