Boulot, marmots, dodo : les îles Féroé, pouponnière hyperactive dans l'Atlantique Nord

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Par Pierre-Henry DESHAYES - Hoyvík (Danemark) (AFP)
Publié le 19 juin 2018 - 08:15
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Des habitants, certains en costume traditionnel, avec poussettes et enfants, le 3 juin 2018 à Klaksvík, sur l'île de Borooy faisant partie des îles Féroé
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© Pierre-Henry DESHAYES / AFP
Des habitants, certains en costume traditionnel, avec poussettes et enfants, le 3 juin 2018 à Klaksvík, sur l'île de Borooy faisant partie des îles Féroé
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La boîte aux lettres de la famille Joensen/Helmsdal arbore déjà six noms et va bientôt en accueillir un septième: rien d'atypique aux îles Féroé, où l'on fait le plus de bébés mais aussi où l'on travaille le plus en Europe.

Sur ce territoire autonome danois de l'Atlantique Nord -- un archipel de 18 îles rocheuses volcaniques entre l'Islande et la Norvège -- distant de tout mais économiquement prospère, le nombre d'enfants tourne autour de 2,5 par femme depuis des décennies: un niveau sans équivalent ailleurs sur le Vieux Continent, où il languit généralement en-dessous de 2, selon les chiffres de la Banque mondiale.

À 41 ans, Gunnhild Helmsdal attend son quatrième enfant, ce qui, avec le conjoint et sa fille née d'une précédente union, portera à sept le nombre d'occupants dans cette maison lumineuse de Hoyvík, sur les hauteurs de la capitale Tórshavn.

"Les enfants sont le plus beau des cadeaux, je trouve. J'ai toujours voulu en avoir plusieurs", explique cette femme médecin.

"Les familles nombreuses sont peut-être un peu chaotiques mais en définitive heureuses", confie-t-elle dans son séjour égayé par les gazouillis du benjamin de 2 ans, Brandur, qui signifie "épée" ou "feu" en vieux norrois, une langue ancienne scandinave.

Signe que les Joensen/Helmsdal ne sont pas seuls à le penser, les voisins d'en face ont eux respectivement six et sept enfants...

- Déficit de femmes -

Si l'archipel a longtemps pâti d'un déficit de femmes en raison d'expatriations plus nombreuses que les retours, la situation tend à changer depuis cinq ans grâce à la diversification d'un marché de l'emploi jadis lourdement axé sur la pêche et à la libéralisation d'une société certes très ouverte sur le monde mais aux valeurs longtemps conservatrices.

"Ici, il n'y a rien d'autre à faire", s'entend-on souvent répondre, quand on interroge les Féringiens sur les raisons de leur remarquable fertilité.

Ce trait d'humour ne pourrait être plus éloigné de la réalité: "L'activité professionnelle aux îles Féroé est aussi la plus élevée d'Europe, en particulier chez les femmes", note Hans Pauli Strøm, sociologue à l'institut féringien de statistique.

Le taux d'activité y est en effet de 83% contre 65% par exemple au sein de l'Union européenne --dont les Féroé ne sont pas membres-- et de 82% chez les Féringiennes contre 59% pour les femmes dans l'UE.

"Beaucoup de femmes ici travaillent à temps partiel. Plus de 50%. Ce n'est pas parce qu'elles peinent à décrocher un emploi à plein temps mais c'est une préférence, une question de style de vie", décrypte M. Strøm.

Les autorités locales mettent en avant leurs mesures sociales propices: un congé parental de 46 semaines, qui pourrait être à l'avenir étendu à une année, des places de crèche abondantes et abordables, des abattements fiscaux...

Incidemment, les voitures sept sièges ont vu leur fiscalité réduite il y a quelques années.

- SOS familles -

Généreuse comparée au reste de l'Europe, la politique familiale féringienne ne se distingue néanmoins guère de celle pratiquée ailleurs en Europe du Nord, où les taux de fertilité et d'activité sont pourtant sensiblement moins élevés.

Le secret de ces familles nombreuses et actives serait en fait à chercher... du côté des familles elles-mêmes, de l'étroitesse de leurs liens internes et de leur proximité géographique quasi inévitable.

"Dans notre culture, nous percevons une personne davantage comme un membre d'une famille que comme un individu indépendant", explique M. Strøm. "C'est ce contact étroit et intime entre générations qui facilite le fait d'avoir des enfants", ajoute le sociologue, pour qui la religion ne joue qu'un rôle marginal.

Occupée jusqu'à 50 heures par semaine dans son cabinet médical, Gunnhild Helmsdal atteste des coups de téléphone passés en urgence aux grands-parents pour aller chercher les enfants avant la fermeture de la crèche ou les conduire à leurs activités.

"Parce que nous avons des liens familiaux très resserrés, nous nous aidons énormément", témoigne-t-elle. "Et puis mes parents vivent à 5-10 minutes à pied d'ici, alors ça aide beaucoup".

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