Bras de fer en Arménie autour de l'enseignement du russe

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Par AFP
Publié le 25 octobre 2017 - 14:07
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Des élèves tiennent des livres en russe das une classe primaire à Erevan le 24 octobre 2017
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© Karen MINASYAN / AFP/Archives
Des élèves tiennent des livres en russe das une classe primaire à Erevan le 24 octobre 2017
© Karen MINASYAN / AFP/Archives

Progrès pédagogique ou menace pour la souveraineté? L'Arménie veut renforcer l'enseignement du russe, provoquant la colère de l'opposition qui y voit un nouveau signe de l'influence croissante de Moscou dans cette ex-république soviétique du Caucause.

Le ministère de l'Education du pays qui vient de fêter ses 26 ans d'indépendance, érige en priorité l'enseignement de la langue russe dans un document soumis à concertation publique.

Il propose d'augmenter le nombre d'écoles et de classes où cette langue sera étudiée de manière approfondie, ainsi que d'enseigner la physique, les mathématiques et la géographie dans les écoles secondaires d'Arménie à la fois en russe et en arménien.

"C'est la langue la plus répandue" dans le pays, plaide le ministre de l'Education, Levon Mkrtchian, en soulignant que des programmes similaires existent déjà pour l'anglais, le français et l'allemand.

L'apprentissage du russe est déjà obligatoire comme langue étrangère à partir de l'école primaire.

Mais l'affaire a tourné au pugilat politique, montrant une nouvelle fois le caractère très sensible de la place du russe à l'école, et plus généralement dans la société, dans les ex-républiques soviétiques.

En Ukraine, le pouvoir pro-occidental vient ainsi de s'attirer les critiques de la Russie mais aussi de la Hongrie et de la Roumanie, avec une réforme limitant les cours dispensés dans les langues des minorités nationales.

"Personne n'est contre que les enfants connaissent plusieurs langues, mais lorsqu'il s'agit d'une russification forcée, cela devient une menace directe à la souveraineté du pays", estime le politologue Stepan Safarian.

En Arménie, le russe était considérée à l'époque soviétique comme la langue des élites. Elle avait une position dominante et les enfants des dirigeants communistes avaient tous des diplômes d'études supérieures russes.

Après la chute de l'URSS en 1991, les écoles russes ont été fermées et l'utilisation de cette langue en Arménie a nettement diminué.

Ces dernières années, Erevan s'est de nouveau rapproché de Moscou, préférant une union commerciale avec la Russie plutôt qu'un accord avec l'Union européenne et l'opposition arménienne voit dans les projets du ministère de l'Education un nouveau signe de cette tendance.

- Pression politique -

Le président de la Douma, la chambre basse du parlement russe, Viatcheslav Volodine, a récemment proposé à l'Arménie de donner au russe le statut de langue officielle pour que les permis de conduire arméniens soient reconnus en Russie.

Mais Anaït Bakhchian, élue de l'opposition, oppose un "non" ferme à cette initiative.

"Pourquoi est-il si nécessaire de populariser le russe dans un pays dont 98% de population sont des Arméniens?", s'interroge cette membre du conseil législatif d'Erevan.

"Selon la Constitution, notre langue officielle est l'arménien. Et il ne peut pas y être une deuxième", insiste-t-elle.

Pour les détracteurs du russe, de nombreuses sociétés multinationales sont venues s'implanter en Arménie et recrutent des anglophones.

"Tout emploi prestigieux et bien payé demande aujourd'hui une bonne connaissance de l'anglais", assure Goar Soukiassian, élève en terminale à Erevan.

"Dans notre classe, presque tout le monde prend des cours privés, à part des cours d'anglais à l'école (...) pour faire une bonne carrière", confie cette jeune fille.

Les autorités justifient en partie leurs projets par le rapprochement avec la Russie.

Comme Moscou et Erevan ont réuni leurs systèmes de défense antimissile, "nos futurs officiers sont formés en Russie", explique à l'AFP le vice-président du parlement arménien et porte-parole du parti au pouvoir Edouard Charmazanov.

La "langue de communication de l'Union économique eurasiatique" menée par Moscou et que l'Arménie a rejointe "est aussi le russe", poursuit-il, "et la diaspora arménienne en Russie compte plus d'un million de personnes".

Selon des chiffres disponibles mi-octobre sur le site du ministère arménien de l'Education, seuls 25% des participants à la concertation la soutenaient.

"La présence des sociétés russes dans le pays a augmenté et la demande pour la langue russe est de nouveau très forte", concède Serob Khatchatrian, expert des questions d'éducation.

Pour autant, "tout le monde comprend que la langue, c'est non seulement un instrument de communication (...), mais avant tout un moyen de renforcer la pression politique sur le pays", souligne M. Khatachatrian.

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