Brésil : six mois après la mort de Marielle Franco, sa veuve entretient la flamme

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Par Louis GENOT - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 13 septembre 2018 - 08:45
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La militante des droits humains Monica Benicio à Rio de Janeiro, le 3 septembre 2018
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© Daniel RAMALHO / AFP
La militante des droits humains Monica Benicio à Rio de Janeiro, le 3 septembre 2018
© Daniel RAMALHO / AFP

"Marielle est un symbole d'espoir", affirme dans un entretien à l'AFP Monica Benicio, veuve de la conseillère municipale noire criblée de balles il y a six mois à Rio de Janeiro, un assassinat toujours non élucidé.

Toujours entre deux avions, la Brésilienne de 32 ans a juste le temps de défaire sa valise.

Sur un mur de sa petite maison au fond d'une cour d'immeuble de Tijuca, quartier de classe moyenne du nord de Rio, des pochoirs représentant les visages de l'artiste mexicaine Frida Kalho et de la militante américaine Angela Davis.

Sur la porte d'entrée, un autocollant mauve: "Marielle présente".

"Avant, nous habitions dans la favela où nous sommes nées, à Maré, mais nous avons déménagé en janvier 2017, quand Marielle a commencé son mandat", révèle la militante. Elle y vit désormais seule avec son chien.

Monica Benicio parcourt le monde pour faire vivre la mémoire de Marielle Franco dans des événements de promotion des droits humains: Buenos Aires, Genève, Lisbonne, Londres, Athènes, Paris...

Son agenda de septembre et octobre est surchargé. Elle a mis entre parenthèse ses études de Master.

"Je ressens encore beaucoup de douleur, mais je suis engagée dans un combat sans fin, donc je n'ai pas eu vraiment le temps de (commencer à) faire mon deuil", admet-elle, d'une voix chargée d'émotion.

- La douleur comme combustible -

Vêtue d'un tee-shirt noir avec l'inscription "você importa para mim" (tu m'importes), pieds nus sur le canapé, Monica a le regard déterminé, malgré une lueur de tristesse.

"La douleur est une sorte de combustible. Et ça me motive de voir des gens du monde entier me dire que notre combat les inspire, Marielle est encore un symbole d'espoir", confie la jeune femme.

Sa vie a basculé le 14 mars, quand sa compagne a été criblée de balles dans sa voiture, ainsi que son chauffeur, Anderson Gomes, un assassinat qui a bouleversé le Brésil.

Les autorités ont promis une enquête rapide et transparente, mais aucune avancée réelle n'a été annoncée six mois plus tard.

"On me répond toujours: nous travaillons, nous avançons, mais sans apporter aucun élément consistant", déplore Monica Benicio.

"En tant qu'épouse, je ressens une douleur très particulière. Mais en tant que Brésilienne, ça me fait aussi mal de voir qu'un tel attentat à la démocratie puisse rester tant de temps sans réponse".

Pour la veuve de la conseillère municipale, cette réponse est nécessaire "non pas pour une question de vengeance, mais pour une question de justice, pour s'assurer qu'il existe encore un État de droit au Brésil".

"Plutôt que de savoir qui a appuyé sur la gâchette ou qui a financé cet assassinat, ce qui m'intrigue le plus, c'est 'pourquoi Marielle?'".

- Héritage -

Assassinée à 38 ans, Marielle Franco était engagée contre le racisme et pour les droits LGBT. Mais elle dénonçait aussi la violence policière et les exactions des milices paramilitaires qui gangrènent Rio.

"C'est clair qu'elle dérangeait beaucoup de monde, mais je n'arrive pas à imaginer de raison spécifique pour un crime de cette proportion", s'interroge sa veuve.

Elle-même objet de menaces, Monica Benicio a fait appel à l'Organisation des Etats américains (OEA) pour faire pression sur le gouvernement brésilien et obtenir d'être protégée.

Depuis la fin août, elle bénéficie d'une protection policière sur laquelle elle ne souhaite pas donner de détails.

À trois semaines des élections générales, Monica Benicio se félicite de voir que l'héritage de Marielle Franco vit à travers la candidature d'autres femmes noires qu'elle a inspirées.

"Ceux qui ont tué Marielle voulaient mettre sous silence tout ce qu'elle représentait, mais ces femmes ont décidé de briguer des espaces de pouvoir".

Mais Monica s'émeut quand elle se souvient de l'inauguration de l'école qui porte à présent le nom de Marielle Franco, à Maré.

"Une petite fille de six ans m'a raconté qu'elle avait choisi d'avoir une coupe afro comme celle de Marielle alors qu'avant, elle se lissait les cheveux".

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