A Brixham, les pêcheurs inquiets d'être trahis par l'accord de Brexit

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Par Joe JACKSON - Brixham (Royaume-Uni) (AFP)
Publié le 29 mars 2018 - 15:49
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Le port de Brixham (sud-ouest) de l'Angleterre le 26 mars 2018
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© Joe JACKSON / AFP/Archives
Des chalutiers dans le port de Brixham sur la côte sud de l'Angleterre le 26 mars 2018
© Joe JACKSON / AFP/Archives

Sur les quais animés de Brixham, un port du sud-ouest de l'Angleterre, les pêcheurs s'inquiètent de voir leurs préoccupations oubliées dans les négociations du Brexit, qu'ils ont pourtant ardemment défendu.

La région a voté à 63% pour le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Une majorité nette, expression de la colère ressentie contre les quotas de pêche imposés par l'UE, souvent considérés ici comme responsables du déclin de l'activité.

"Aussi loin que je puisse me souvenir, les pêcheurs n'ont jamais obtenu un accord favorable" de l'UE, dit Dave Banks, qui rentre de quatre jours en mer. À 69 ans, il continue à pêcher seiches, soles et turbots sur son chalutier de 24 mètres.

Selon un projet d'accord publié en mars par le gouvernement britannique, le Royaume-Uni pourrait continuer à appliquer la politique européenne en matière de pêche pendant les 20 mois que doit durer la période de transition après la sortie de l'UE, à partir du 29 mars 2019.

Cette concession a suscité un tollé chez les pêcheurs, dont quelques-uns ont manifesté leur mécontentement en remontant la Tamise jusqu'au Parlement de Westminster, où ils ont rejeté à l'eau des poissons.

"Ça me rend malade", s’agace Rick Smith, un pêcheur retraité qui dirige désormais la Brixham Trawler Agents, l'institution qui organise chaque jour, au retour des navires, la vente du poisson à la criée.

"J'espère que nous ferons assez de bruit pour empêcher que cela se produise", ajoute-t-il.

- "Absolument écœurant" -

L'industrie halieutique britannique n'a cessé de décliner ces dernières décennies, pour des raisons économiques et politiques.

Depuis 1938, le nombre de marins-pêcheurs recensé au Royaume-Uni a diminué de 75%. Le nombre d'embarcations s'est lui réduit de 29% depuis 1996, pour s'établir à 6.191.

Un grand nombre de pêcheurs ont cessé leur activité après la mise en place de quotas par l'UE, qui limitait les quantités de poissons qu'ils pouvaient ramener dans leurs filets.

Dans les années 2000, le gouvernement britannique a également envoyé des bateaux en cale sèche et aidé certains pêcheurs à se reconvertir, afin de maintenir des stocks durables. La pêche ne représente plus que 0,4% du PIB britannique, selon les chiffres de 2016.

"Tant de bateaux sont allés droit dans le mur à cause des quotas", regrette Dave Banks, occupé à décharger les caisses de poissons empilées sur son navire. "La manière dont on traite les pêcheurs depuis 40 ans, c'est absolument écœurant".

À Brixham comme dans de nombreux ports alentours, les professionnels de la pêche estiment que les quotas et l'accès de navires européens au large de leurs côtes ont condamné l'industrie et les ont empêchés de répondre à la demande locale.

Le cas du cabillaud, poisson favori des vendeurs de fish and chips, semble particulièrement sensible.

En 2016, les pêcheurs français ont obtenu 72% du quota pour la Manche, contre 9% aux Britanniques. Et même si le Royaume-Uni se rattrape dans la Mer du Nord, où il détient plus de la moitié du quota, cette politique est une aberration pour les pêcheurs de la côte sud britannique.

- "Beaucoup de ressentiment" -

Malgré les difficultés, Brixham, située sur ce que les habitants appellent la "Côte d'Azur anglaise", reste fière de son héritage. Son port demeure le plus important d'Angleterre en termes de valeur de la pêche débarquée.

Et la ville, parcourues de ruelles étroites et colorées, continue d'attirer les touristes, qui profitent des spécialités de fruits de mer dans les nombreux restaurants.

Les locaux, eux, se retrouvent au Crown & Anchor, le pub le plus proche du port, passage obligé des pêcheurs après leur sortie en mer.

"A l'époque, on pouvait pêcher ce qu'on voulait", se remémore avec nostalgie Andrew McLeaod, 49 ans, qui a commencé son activité il y a 30 ans.

Ce père de cinq enfants, capitaine sur un chalutier, s’inquiète que la pêche devienne une "monnaie d'échange" dans les négociations du Brexit.

"Brixham, c'est la pêche. Si on nous retire ça, il ne nous restera pas grand chose", s'alarme-t-il.

"Indubitablement, l'industrie de la pêche a fait l'objet d'un mauvais accord quand nous sommes entrés dans la CEE", estime la députée conservatrice de Brixham, Sarah Wollaston.

"Si l'équité n'est pas rétablie alors que nous quittons l'UE, cela va entraîner beaucoup de ressentiment", prévient-elle.

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