Carlos Ghosn dans les méandres du système judiciaire japonais

Auteur:
 
Par Anne BEADE, Ursula HYZY - Tokyo (AFP)
Publié le 04 avril 2019 - 12:55
Image
Junichiro Hironaka (c) et Sho Kosasa (g) deux avocats de l'ancien patron Renault-Nissan lors d'une conférence de presse à Tokyo, le 4 avril 2019
Crédits
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Junichiro Hironaka (c) et Sho Kosasa (g) deux avocats de l'ancien patron Renault-Nissan lors d'une conférence de presse à Tokyo, le 4 avril 2019
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Carlos Ghosn, de nouveau arrêté jeudi à son domicile de Tokyo lors d'un énième coup de théâtre, est confronté à un système judiciaire particulièrement complexe.

- Que va-t-il se passer maintenant? -

Après plus de 100 jours de détention dans le centre de Kosuge (nord de Tokyo), l'ex-PDG de Renault-Nissan espérait en avoir fini avec la prison quand il a été libéré le 6 mars sous caution.

Mais son interpellation jeudi par des enquêteurs du bureau des procureurs sur de nouveaux soupçons remet les compteurs à zéro.

Comme ce qui s'est passé après son arrestation initiale le 19 novembre, il peut rester en garde à vue jusqu'à 22 jours. Dans le détail, avant la fin des premières 48 heures, le bureau des procureurs doit demander une prolongation de dix jours à un juge, puis à nouveau de dix jours, pour les besoins de l'enquête. Le tribunal donne son feu vert dans l'écrasante majorité des cas.

A l'issue de cette période, le suspect peut être inculpé, relâché sans poursuites (dans 50% des cas) ou arrêté de nouveau pour un autre motif. Une fois la garde à vue arrivée à terme, en cas d'inculpation, le suspect peut ensuite rester emprisonné, dans l'attente du procès.

- Que devient sa libération sous caution? -

Contre l'avis du parquet, l'ex-grand patron avait été relâché sous strictes conditions début mars en échange du paiement d'une colossale caution d'un milliard de yens (8 millions d'euros), sous de strictes conditions.

Là aussi, le processus repart. Selon la loi, la caution versée reste en possession du tribunal jusqu'à la fin du procès. En cas de nouvelle inculpation qui enclenche une période de deux mois de détention provisoire (extensible), il lui faudra déposer une nouvelle demande de libération et repayer un montant défini par le tribunal si elle est acceptée.

Se pose aussi la question d'une éventuelle violation de son contrôle judiciaire. Alors que M. Ghosn avait interdiction d'utiliser internet, il a créé mercredi un compte Twitter à son nom. Il peut y avoir eu entretemps des aménagements de conditions, ces détails n'étant pas rendus publics.

- Pourquoi le système est-il été critiqué ? -

Au cours de sa garde à vue, le suspect au Japon est soumis à des interrogatoires répétés, sans ses avocats, un environnement qui "risque d'aboutir à des aveux forcés et des condamnations injustifiées", selon Amnesty International.

"Vous avez le droit aux services d'un avocat à tous les stades (...) Cela ne veut pas dire qu'il doit être présent à tout moment (...) C'est au procureur de décider", précise un responsable du ministère de la Justice.

L'avocat de M. Ghosn, Me Junichiro Hironaka, a dénoncé jeudi "une justice de l'otage", tentant de pousser à bout l'ancien patron de Renault-Nissan pour le faire avouer.

"Nous n'essayons pas d'obtenir des aveux (...) Mais nous avons besoin de poser un grand nombre de questions", rétorque le ministère de la Justice. La justice japonaise "dispose de moyens d'enquêtes plus restreints qu'en Occident" et ne peut par exemple effectuer d'écoutes téléphoniques que dans des cas précis, précise-t-il à l'AFP.

Les interrogatoires sont cependant entièrement filmés, ce qui n'était pas le cas dans le passé où ont été déplorées des erreurs judiciaires.

Mais pour Stephen Givens, avocat américain exerçant au Japon, les Japonais "ont gardé leur système d'avant-guerre" et "créé une façade par laquelle leur système de procédure criminelle semble se conformer aux normes occidentales (...) mais qui en réalité permet de garder une personne longtemps en prison. "Ce qui la presse clairement à des aveux".

Pendant la période de garde à vue, le suspect ne peut recevoir de visite, hormis celles de ses avocats et des représentants consulaires.

- A quand un procès ?

La date du procès n'a pas encore été fixée et M. Ghosn risque de rester au Japon "pendant un an ou plus longtemps encore", selon son avocat.

Mis en examen pour ne pas avoir déclaré l'intégralité de ses revenus aux autorités boursières, M. Ghosn encourt une peine de 10 millions de yens (80.000 euros) d'amende et 10 ans de prison, mais il peut obtenir un sursis, estiment les experts.

Il est aussi poursuivi pour abus de confiance: la peine maximale peut alors aller jusqu'à 15 ans, avec un risque de prison ferme plus élevé. Et il est désormais sous la menace d'une quatrième inculpation.

Peut-il sortir blanchi? Au Japon, 99% des personnes renvoyées devant le tribunal sont jugées coupables sur tout ou partie des chefs d'accusations.

bur-anb-kap-uh/agr

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.