Chine : la chasse aux corrompus passe la surmultipliée

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Par Patrick BAERT - Pékin (AFP)
Publié le 18 mars 2018 - 15:50
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Grand messe du Parti communiste chinois, à Pékin, le 18 octobre 2017
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© WANG ZHAO / AFP/Archives
Grand messe du Parti communiste chinois, à Pékin, le 18 octobre 2017
© WANG ZHAO / AFP/Archives

"La pire menace pour le Parti"... Au pouvoir depuis cinq ans, Xi Jinping a engagé une campagne sans précédent contre la corruption, qui a sanctionné pas moins de 1,5 million de cadres du parti au pouvoir en Chine. Des millions de fonctionnaires de l'Etat pourraient à présent se retrouver dans le viseur.

Médecins, enseignants, cadres d'entreprises publiques... Un nouvel organe extra-judiciaire baptisé "Commission nationale de supervision" (CNS) vient d'être créé afin d'élargir à l'ensemble de la fonction publique la chasse aux corrompus. Ses pouvoirs seront définis mardi lors d'un vote du parlement.

Ce nouveau gendarme viendra compléter le rôle de la redoutée Commission de discipline du Parti communiste chinois (PCC), qui a mené ces dernières années une véritable inquisition contre les pots-de-vin, tant contre "les mouches" (les petits cadres) que les "tigres" (les hauts dirigeants).

D'aucuns soupçonnent que la campagne anticorruption lancée par le président Xi Jinping lui a aussi servi à écarter des opposants internes.

Mais les défenseurs des droits de l'Homme s'inquiètent surtout de voir la CNS donner une façade légale à une répression qui s'est traduite par des détentions secrètes et des accusations de torture.

Inscrit dans la constitution, le nouveau système "a l'apparence de la légalité" mais ne contient "aucune amélioration notable qui permettrait de garantir une procédure équitable", s'alarme Maya Wang, de Human Rights Watch.

Selon cette organisation de défense des droits de l'Homme, au moins 11 suspects sont morts en détention entre 2010 et 2015 alors qu'ils étaient interrogés par la Commission de discipline du Parti communiste.

C'est d'ailleurs l'actuel secrétaire adjoint de cette commission, Yang Xiaodu, qui a été élu dimanche à la présidence de la nouvelle institution étatique (CNS).

- 'Aucune garantie' -

La nouvelle loi, qui ne fait aucune mention du rôle d'un avocat, autorise la CNS à interroger des suspects pendant six mois. Les proches des personnes arrêtées doivent être averties dans les 24 heures, sauf si cela "risque de nuire à l'enquête".

"Il n'y aucune garantie de procès équitable, même pas les garanties élémentaires qui existent dans les procédures pénales chinoises", s'indigne Mme Wang.

Le régime reconnaît que ces détentions préventives visent à faire parler les suspects.

"Nous nous attachons à persuader les personnes sous enquêtes de rédiger des aveux", a expliqué un responsable provincial, en marge de la session annuelle du Parlement chinois, qui s'achève mardi.

Dans sa province du Zhejiang (est), la durée moyenne de la préventive atteint près d'un mois et demi, avant que les suspects soient déférés à la justice pénale, a-t-il précisé, tout en reconnaissant que ces derniers n'avaient pas droit à un avocat.

Témoin, Chen Qian, 58 ans, un cadre municipal de la province du Shanxi (nord), a été l'an dernier l'un des tous premiers fonctionnaires à être poursuivis en vertu du nouveau système de détention. D'abord arrêté pour deux chefs d'accusation, le total était arrivé à 38 lorsqu'il a été déféré au pénal.

- Superviseurs non supervisés -

"Chen Qian a avoué les 36 autres affaires pendant sa détention", a déclaré son avocat, cité dans des documents judiciaires.

La nouvelle Commission de supervision n'est elle même supervisée par personne, ce que Pékin justifie par la nécessité de pouvoir poursuivre éventuellement les dirigeants les plus haut placés.

"Ce qui nous inquiète, c'est que la CNS est placée au-dessus de la surveillance du système judiciaire", souligne Patrick Poon, d'Amnesty International.

Or, les services anti-corruption ne sont pas incorruptibles. Pékin a reconnu l'an dernier que 7.900 de ses enquêteurs avaient été poursuivis.

"Notre travail de contrôle rencontre des problèmes", a reconnu Zhou Chengkui, un ancien secrétaire adjoint du Parlement, dans un entretien récent à la Revue chinoise du droit.

Difficile de savoir combien de fonctionnaires pourront tomber sous la coupe de la nouvelle instance. Mais dans la seule ville de Pékin, où une Commission de supervision locale a été lancée à titre expérimental, le nombre de personnes potentiellement dans le collimateur a été multiplié par quatre, à un million, selon des responsables municipaux. Soit 5% de la population de la capitale.

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