Chrystia Freeland, l'atout diplomatique N.1 de Justin Trudeau

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Par Eric THOMAS - Montréal (AFP)
Publié le 05 septembre 2018 - 20:57
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La chef de la diplomatie du Canada, Chrystia Freeland, photographiée mercredi à Washington avant la reprise des négociations commerciales avec les Etats-Unis
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© Brendan Smialowski / AFP
La chef de la diplomatie di Canada, Chrystia Freeland, photographiée mercredi à Washington avant la reprise des négociations commerciales avec les Etats-Unis
© Brendan Smialowski / AFP

Ancienne journaliste polyglotte, réputée pour sa maîtrise des dossiers et pour un franc-parler parfois peu diplomatique, la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland est une négociatrice pugnace nommée par Justin Trudeau avec un objectif clair: utiliser ses bonnes relations avec les Américains pour réussir la renégociation de l'Aléna.

Revenue précipitamment d'une tournée européenne en début de semaine dernière, la chef de la diplomatie multiplie depuis les rencontres avec l'équipe américaine dirigée par le représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer.

Régulièrement, en général toutes les deux ou trois heures, elle sort du bâtiment, souriante et stoïque, pour faire devant les médias un point presse qui donne le ton des négociations, à défaut d'en révéler la teneur. Face à une équipe américaine invisible, elle est devenue pour le grand public le "visage" des négociations sur la réforme du traité commercial nord-américain (Aléna).

Mme Freeland connaît bien les journalistes: après de brillantes études d'histoire et de littérature à Harvard puis un diplôme d'études slaves à Oxford, elle a elle-même commencé sa carrière comme correspondante pour plusieurs médias internationaux (Washington Post, Globe and Mail, Financial Times, Reuters).

D'origine ukrainienne par sa mère, parlant couramment l'ukrainien (en plus de l'anglais, du français, de l'italien et du russe), elle couvrira notamment l'effondrement de l'empire soviétique dans les années 1990.

- 'Je vous ai apporté des sorbets' -

Si elle informe régulièrement les journalistes des progrès des négociations, elle sait également les dorloter. "Comme j'ai été journaliste et que je sais ce que c'est qu'attendre en plein soleil, je vous ai apporté des sorbets", a-t-elle ainsi déclaré jeudi dernier, faisant fondre la vingtaine de reporters et cameramen rôtis par le soleil brûlant de Washington.

Cette mère de trois enfants, mariée à un journaliste du New York Times, élue libérale de Toronto depuis 2013, a fait ses premières armes de diplomate lorsqu'elle a été appelée en 2015 par le gouvernement Trudeau au ministère du Commerce international.

C'est elle qui dirigera l'équipe canadienne lors des derniers pourparlers ayant abouti à l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (Ceta). Ce premier succès, obtenu grâce à une détermination farouche doublée d'une connaissance approfondie des dossiers, fera d'elle l'une des ministres les plus influentes, et les plus admirées, du gouvernement Trudeau.

Son franc-parler, s'il séduit une partie de l'opinion publique, lui vaut quelques critiques.

Mme Freeland n'hésite pas à défendre haut et fort les "valeurs" humanistes du Canada, notamment les droits des femmes, quitte à provoquer une crise diplomatique avec l'Arabie saoudite début août.

- Persona non grata en Russie -

Très critique du régime de Vladimir Poutine, elle est officiellement persona non grata en Russie depuis 2014 pour avoir dénoncé sans ménagement l'annexion de la Crimée par Moscou. Une situation peu banale pour une chef de la diplomatie d'un pays du G7. Certains détracteurs l'accusent d'ailleurs de placer son gouvernement en porte-à-faux en raison de ses prises de position ouvertement pro-ukrainiennes.

Début 2017, alors qu'un Donald Trump fraîchement élu s'apprête à entrer à la Maison Blanche, Justin Trudeau réorganise les priorités de sa diplomatie autour de la relation avec son puissant voisin. Il débarque le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion et offre le poste à Chrystia Freeland, appréciée pour ses qualités de négociatrices, son entregent et son carnet d'adresses aux Etats-Unis.

Sa feuille de route est toute tracée: elle devra négocier la modernisation de l'Aléna, voulue et imposée par l'administration Trump. Depuis sa nomination, ce dossier occupe l'essentiel de son temps, selon les médias canadiens.

L'issue des négociations en cours pourrait déterminer l'avenir politique de Mme Freeland qui, à 50 ans, nourrit de grandes ambitions pour son pays et pour elle-même, selon les analystes canadiens.

"Exposer ainsi Freeland est une arme à double tranchant", analyse l'ancien conseiller de Stéphane Dion, Jocelyn Coulon, dans son livre "Un selfie avec Justin Trudeau". "Si le Canada sort gagnant de la négociation, elle en retirera les bénéfices. En cas d'échec, elle en portera le blâme".

Chrystia Freeland a repris mercredi matin le chemin des négociations en affichant sa détermination à négocier de façon "constructive", sans rien lâcher sur les lignes rouges de son gouvernement. Cette adepte de la course à pied se prépare à reprendre le marathon diplomatique le plus important de sa carrière.

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