Colombie : pourquoi est-ce si difficile de négocier la paix avec l'ELN ?

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Par Rodrigo ALMONACID - Bogota (AFP)
Publié le 12 janvier 2018 - 12:57
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Des membres de l'ELN, le 19 novembre 2017, dans le département du Choco, en Colombie
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© LUIS ROBAYO / AFP/Archives
Des membres de l'ELN, le 19 novembre 2017, dans le département du Choco, en Colombie
© LUIS ROBAYO / AFP/Archives

Quatre processus de paix ratés et celui en cours menacé par une série d'attaques de la guérilla de l'ELN: réussir à ce que la dernière rébellion active de Colombie dépose les armes est devenu un défi majeur pour la Colombie.

Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) - principale guérilla du pays qui a signé la paix en novembre 2016, déposé les armes et est devenue un parti politique - étaient très hiérarchisées. L'ELN est plus "fédérée", chaque front ayant son mot à dire.

Depuis le début des pourparlers, en février 2017 à Quito, le gouvernement de Juan Manuel Santos a insisté en vain pour que chaque front de l'Armée de libération nationale, née en 1964 d'une insurrection paysanne, soit présent à la table des négociations.

- Manque de cohésion -

"Il s'agit d'une guérilla totalement décentralisée et il est difficile de savoir si les négociateurs présents à Quito représentent l'ensemble de la rébellion", déclare à l'AFP Camilo Echandia, expert du conflit armé colombien.

Les analystes estiment que ce manque de cohésion a été le principal frein aux négociations lancées depuis 1990 par les gouvernements précédents avec cette rébellion, qui compte quelque 2.000 combattants.

"Il semble qu'une ligne dure au sein de l'ELN soit en train de s'imposer, on y trouve des tendances diverses, comme dans chaque organisation humaine", explique l'expert Victor de Currea-Lugo.

- Erreurs stratégiques -

Dans les différentes négociations qui ont eu lieu, les "elenos" ("eleniens", membres de l'ELN) ont maintenu les enlèvements et les attaques contre les infrastructures pétrolières, affectant l'environnement.

Des pratiques traumatisantes pour les Colombiens, selon les experts, alors que depuis plus d'un demi-siècle, ce conflit armé impliquant des guérillas, des paramilitaires, des forces gouvernementales et des trafiquants de drogue, a fait au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 7,4 millions de déplacés.

"A présent, les actions (violentes) font irruption dans le débat politique et ce sont celles qui marquent" les esprits, juge M. Currea-Lugo.

C'est ce qui s'est passé mercredi matin, quelques heures après la fin d'un premier cessez-le-feu bilatéral de trois mois (du 1er octobre au 9 janvier à minuit) durant lequel les deux camps ne se sont pas affrontés directement.

Mais une série d'attaques ce jour-là, attribuées à la guérilla de l'ELN, a visé des installations du groupe public pétrolier Ecopetrol et les forces armées, causant la mort d'un soldat et en blessant deux autres dans le nord-est de la Colombie. Ce qui a conduit le président Santos à suspendre la reprise des discussions prévues pour mercredi.

Pour M. Currea-Lugo, ces actions violentes se transforment en munitions pour les opposants aux négociations avec les rebelles.

"Les +elenos+ sont en train d'exiger un processus qui est très difficile: ils ne veulent pas seulement parler avec le gouvernement, mais avec la société", ajoute Marc Chernick, que dirige le programme de résolution de conflits de l'université des Andes, une des principales de Colombie.

- Faiblesse du gouvernement -

Le dialogue en cours avec cette organisation inspirée de la révolution cubaine fait face à deux défis supplémentaires: l'approche de la présidentielle (le 27 mai et le 17 juin) et la fin en août du second mandat de Juan Manuel Santos, qui porte ces discussions.

"Le gouvernement de Santos est exsangue, il ne lui reste que quelques mois, on est entré en campagne présidentielle, (le processus) est donc orphelin", juge M. Chernick. "Il est très difficile de signer un accord dans ces conditions", ajoute-t-il.

D'autant que l'ELN a pointé du doigt à plusieurs reprises les manquements dénoncés par l'ex-guérilla des Farc, dont l'accord a été modifié par le Parlement et la Cour constitutionnelle.

L'application définitive du texte conclu avec les Farc nécessite l'approbation de projets de loi au Parlement, où le camp présidentiel détient une majorité fragile.

A cela s'ajoute une impopularité record de Santos, autour de 80%, selon les derniers sondages, et l'opposition de droite qui prévient qu'elle reviendra sur le contenu des accords en cas de victoire.

"Le gouvernement est dans une situation très délicate en ce moment", estime M. Echandia, expert du conflit armé.

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