Crimée : après la tuerie, Kertch en deuil cherche à comprendre

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Par Thibaut MARCHAND - Kertch (AFP)
Publié le 18 octobre 2018 - 15:25
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Des gens déposent des fleurs lors d'une messe à Kertch, en Crimée, le 18 octobre 2018, au lendemain de la tuerie dans un lycée technique qui a fait 20 morts
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© Andrey PETRENKO / AFP
Des gens déposent des fleurs lors d'une messe à Kertch, en Crimée, le 18 octobre 2018, au lendemain de la tuerie dans un lycée technique qui a fait 20 morts
© Andrey PETRENKO / AFP

Une file presque ininterrompue d'habitants, souvent très jeunes, défilait jeudi devant l'autel aménagé à l'extérieur du lycée polytechnique de Kertch pour rendre hommage aux 20 personnes tuées par un élève de cet établissement.

Identifié par les autorités comme étant Vladislav Rosliakov, 18 ans, l'auteur de cette tuerie sans précédent par son ampleur en Russie aurait légalement acheté l'arme avec laquelle il a méthodiquement assassiné ces personnes et an a blessé une quarantaine d'autres avant de se donner la mort, enfermé dans la bibliothèque du lycée.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, tandis que le périmètre de cet établissement technique était bouclé par les soldats de la Garde nationale et de l'armée russe, les fleurs, les bougies et quelques peluches commençaient à s'accumuler sur le trottoir, à quelques mètres de l'entrée du bâtiment où les marques de l'explosion étaient très visibles.

Vendredi matin, une bâche noire, sur laquelle ont été collées des affiches avec les inscriptions "Kertch. 17 octobre 2018" ou "Nous pleurons", a été déployée sur ce mémorial improvisé.

Autour, au milieu des anonymes et des personnalités locales venues se recueillir, beaucoup d'élèves ou de professeurs sont présents et racontent avec émotion les événements de la veille.

"Il y a eu une explosion au premier étage et de la poussière et du plâtre ont commencé à tomber du plafond. Nous avons entendu une sirène et couru dans le couloir", dit à l'AFP Viktoria Voïko, une élève de première année qui a perdu une camarade de classe dans le massacre.

"Le professeur de sport nous a dit de sortir et nous avons couru dans la cour. Il y avait beaucoup d'étudiants allongés, inconscients, d'autre qui étaient assis et hurlaient", ajoute la jeune fille, aux côtés de sa mère, avant de rejoindre quelques amis.

- "Pas la panique" -

Encore sous le choc, Alexeï Mikhaïlov se souvient d'une "explosion soudaine" et avoir d'abord cru qu'"il y avait plusieurs explosions". "Il y a eu des coups de feu au premier étage. C'est là que sont morts mes camarades, c'était horrible", poursuit cet élève de première année, retenant ses larmes.

Comme les autres élèves présents, il ajoute ne pas connaître Vladislav Rosliakov, que des images diffusées sur Internet montrent armé dans l'escalier du collège, portant une tenue ressemblant à celle qu'avait Eric Harris, l'un des deux auteurs de la tuerie du lycée de Columbine aux Etats-Unis en 1999.

Elena Paliouchkina, une professeure de l'établissement ayant participé à l'évacuation des élèves, assure pour sa part que "ce n'était pas la panique totale" au moment de l'attaque.

"Il y avait des adolescents effrayés bien sûr, mais les professeurs ont réussi à les faire sortir de manière organisée", ajoute cette femme d'une cinquantaine d'années, se remémorant la "fumée marron" à travers laquelle il était "très dur" de respirer.

Derrière elle, quelques représentants des Tatars de Crimée, une communauté musulmane majoritairement opposée à l'annexion de la péninsule ukrainienne par la Russie en 2014, déposent des fleurs devant l'autel.

Mais tandis que le deuil commence à peine à Kertch, beaucoup cherchent aussi à comprendre comment cet élève qui, selon les premiers éléments de l'enquête, n'avait jamais fait parler de lui, a pu commettre ce massacre d'une ampleur inédite en Russie.

"Nous voulons comprendre comment c'est arrivé, ce qui a pu lui passer par la tête", a déclaré aux journalistes le dirigeant de la Crimée, Sergueï Aksionov.

Beaucoup d'habitants se disent persuadés que Vladislav Rosliakov n'a pas pu commettre ce massacre seul. "Pour faire autant de dégâts, aussi vite, c'est impossible qu'il n'y ait eu qu'un seul tireur ! Mais les autorités ne veulent pas faire paniquer la population", assure à l'AFP Alexeï, un ancien étudiant en mécanique de 21 ans.

Jusqu'à présent, aucun élément ne semble accréditer la thèse d'un autre tireur, mais Elena Paliouchkina se dit persuadée que "quelqu'un a manipulé ce garçon".

"Un tel événement préparé à l'avance, à mon avis et de l'avis de mes collègues, n'a pas pu être réalisé en solitaire", a affirmé M. Aksionov. Les enquêteurs recherchent désormais d'éventuels complices et veulent établir si le jeune tueur était "sous l'influence" de quelqu'un.

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