Des milliers de manifestants en Italie contre un recul sur l'avortement

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Par Franck IOVENE - Rome (AFP)
Publié le 13 octobre 2018 - 08:45
Mis à jour le 14 octobre 2018 - 00:40
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Le pape François lors de l'audience générale du 10 octobre au Vatican où il a comparé l'avortement au "recours à un tueur à gages pour résoudre un problème"
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© Alberto PIZZOLI / AFP/Archives
Le pape François lors de l'audience générale du 10 octobre au Vatican où il a comparé l'avortement au "recours à un tueur à gages pour résoudre un problème"
© Alberto PIZZOLI / AFP/Archives

Des milliers de manifestants ont défilé samedi à Vérone pour défendre l'avortement, quelques jours après l'adoption par le conseil municipal d'une motion permettant de financer des groupes anti-IVG.

"Nous risquons le retour en arrière. Ce n'est pas seulement dangereux pour la politique en Italie mais en Europe aussi", a déclaré en défilant Tommaso Ferrari un élu d'opposition, un des rares à avoir voté contre la motion.

Quarante ans après la loi dite 194 qui en 1978 a légalisé l'avortement en Italie, considéré jusqu'alors comme un crime, le sujet reste controversé dans un pays où le poids de l'Église catholique pèse fortement sur les débats.

La ville de Vérone a relancé la polémique en votant il y a quelques jours une motion portée par un conseiller municipal de la Ligue (extrême droite), permettant de financer les associations catholiques opposées à l'interruption de grossesse. Selon cette motion, les femmes enceintes qui ne veulent pas garder leur bébé seront encouragées à le confier à l'adoption.

La mesure a ravivé la polémique entre pro et anti-avortement, le pape François fournissant mercredi des arguments à ces derniers en assimilant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au recours à "un tueur à gages pour résoudre un problème", lors de son audience hebdomadaire.

"Nous sommes en colère car cette motion est un symbole du lien aujourd'hui - à Vérone et en Italie - entre l'extrême droite et le catholicisme", a déclaré samedi à l'AFPTV Sara Di Falco, membre d'une des organisations ayant appelé à manifester.

Pour le maire de droite de Vérone, Federico Sboarina, la motion "n'est pas contre mais au contraire favorable: favorable à la valeur de la vie et pour accroître la liberté des femmes": elle les aidera "à surmonter les raisons, qui peuvent aussi être économiques, qui pourraient entraîner une interruption de grossesse".

Le ministre de la Famille Lorenzo Fontana, l'un des représentants de la Ligue au sein du gouvernement populiste au pouvoir en Italie, a également soutenu la mesure: selon lui, elle ne fait qu'appliquer la loi "en aidant une femme à choisir, de sorte qu'elle puisse porter sa grossesse à son terme".

La loi 194 prévoit qu'une femme puisse effectuer une IVG au sein d'une structure publique jusqu'au 90e jour de grossesse et jusqu'au 5e mois dans le cas d'un avortement thérapeutique (anomalie dépistée sur le foetus ou grossesse dangereuse pour la femme enceinte).

Mais 40 ans après son adoption, la loi demeure controversée, notamment à cause, selon certains de ses défenseurs, de l'influence grandissante de l'Eglise catholique dans le système de santé italien, aussi bien dans ses structures de soins que dans la formation des médecins.

- Objecteurs de conscience -

"On a de plus en plus d'hôpitaux qui ouvrent leurs portes grâce au soutien financier du Vatican quand l'hôpital public, lui, dispose de moins en moins de moyens", explique à l'AFP la gynécologue et militante pro-avortement Elisabetta Canitano.

Les hôpitaux privés peuvent refuser de pratiquer l'avortement.

Elle cite notamment le Mater Olbia Hospital, établissement flambant neuf situé en Sardaigne et détenu par le Qatar, et l'hôpital Gemelli de Rome (géré par le Vatican). Le centre hospitalier universitaire Gemelli est aussi le siège d'une des facultés de médecine les plus réputées d'Italie.

"L'Eglise a toujours été intéressée par l'éducation et la santé et lorsque cette génération de gynécologues aura disparu, il n'y aura personne pour la remplacer", craint Mme Canitano, qui travaille pour l'association "Vita di Donna" ("Vie de Femme") qui assiste les femmes sur les questions de santé.

Certaines femmes étrangères, souvent d'origine africaine, réfugiées ou prostituées, sont obligées d'avorter dans la clandestinité, assure-t-elle.

Un nombre croissant de gynécologues objecteurs de conscience se refusent à pratiquer des IVG, pour des raisons morales, religieuses ou personnelles. Selon le ministère de la Santé, ils étaient 70% en Italie en 2016, avec des pointes à plus de 90% dans plusieurs régions du sud.

Un droit "intouchable" pour l'Association des médecins catholiques italiens (AMCI) qui considère que la loi 194 est un texte "inique". L'association a apporté son soutien à la municipalité de Vérone.

Quelque 84.926 IVG ont été pratiquées en 2016 en Italie, un chiffre régulièrement en baisse et surtout près de trois fois inférieur au record de 234.801, en 1982.

Des chiffres trompeurs selon l'AMCI qui estime à quelque 405.000 le nombre d'IVG médicamenteuses pratiquées en 2016, et qu'elle qualifie "d'avortements cachés".

L'AMCI inclut dans ces chiffres l'usage de la pilule du lendemain (à visée contraceptive d'urgence et qui est en vente libre en Italie pour les femmes majeures) et de la pilule abortive (administrée en milieu hospitalier).

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