Dialogue gelé au Nicaragua après plus d'un mois de crise et 78 morts

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Par Blanca MOREL - Managua (AFP)
Publié le 26 mai 2018 - 08:45
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Des manifestants installent des barricades, le 24 mai 2018 à Leon, au Nicaragua
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© INTI OCON / AFP
Des manifestants installent des barricades, le 24 mai 2018 à Leon, au Nicaragua
© INTI OCON / AFP

Cinq semaines de manifestations, 78 morts et 900 blessés: au Nicaragua, le dialogue national est au point mort et la colère d'une partie de la population, qui exige le départ du président Daniel Ortega, ne retombe pas.

L'ex-guérillero de 72 ans, héros de la révolution sandiniste pour renverser la dictature en 1979, avait ensuite gouverné le pays jusqu'en 1990, avant de revenir au pouvoir depuis 2007.

L'étincelle qui a déclenché le courroux populaire? Une réforme des retraites augmentant les cotisations, vite abandonnée mais devenue le prétexte pour un mouvement d'exaspération plus large, pour dénoncer le manque de libertés et réclamer le départ du chef de l'Etat.

Au lourd bilan humain des manifestations, s'ajoute l'impact sur l'économie des grèves, pillages de commerces et blocages de routes: le gouvernement a réduit sa prévision de croissance de 4,7-5,2% à 3-3,5%. Les touristes ont fui le pays.

Pourtant, le dirigeant ne semble pas prêt à plier. "Ortega ne va pas partir comme ça, il va résister jusqu'au bout", prédit le sociologue et analyste Oscar René Vargas, interrogé par l'AFP. "Il ne bougera pas de là, jusqu'à ce que la situation soit impossible à tenir".

L'expert souligne que le président bénéficie encore du soutien crucial des milieux d'affaires, son principal allié en 11 ans au pouvoir, même si cet appui semble s'effriter.

Les chefs d'entreprises ont exprimé leur solidarité "verbalement" aux manifestations anti-gouvernement, déclenchées par les étudiants le 18 avril. Mais ils n'ont pas voulu se joindre au récent mouvement de grève nationale, alors qu'ils l'avaient fait lors de l'insurrection contre la dictature des Somoza (1934-1979), rappelle M. Vargas.

Ils sont "divisés" entre ceux qui veulent maintenir Ortega au pouvoir jusqu'à l'élection présidentielle de 2021 et ceux qui souhaitent son départ anticipé, assure l'un des leaders étudiants du mouvement de protestation, Victor Cuadras.

Pour Oscar René Vargas, les Etats-Unis, principal partenaire commercial du Nicaragua, n'ont pas adopté de mesures de pression suffisamment fortes pour faire vaciller le gouvernement.

- Crise "longue" -

Vendredi, Washington a émis une nouvelle mise en garde. Dans un communiqué, le département d'Etat "condamne les récentes violences perpétrées par des voyous contrôlés par le gouvernement, qui ont entraîné de nouveaux décès de manifestants au Nicaragua".

Deux jours plus tôt, des affrontements entre opposants et partisans d'Ortega avaient justement fait deux morts et 54 blessés.

"Le gouvernement nicaraguayen doit créer les conditions propices à un dialogue crédible et ouvert à tous, et garantir la sécurité des participants", a lancé le département d'Etat, appelant l'exécutif à suivre les recommandations de la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).

Cette dernière avait dénoncé lundi l'usage excessif de la force publique pour réprimer les manifestations et exigé la fin de la violence policière.

L'Organisation des Etats américains (OEA) cherche elle aussi à faire pression sur Daniel Ortega, suggérant à des élections anticipées.

"Toute personne qui pense que le Nicaragua a une solution autre qu'électorale se trompe gravement", a déclaré mercredi son secrétaire général, Luis Almagro.

Mais pour l'instant, aucune issue immédiate à la crise ne se dessine, alors que la Conférence épiscopale a suspendu mercredi le dialogue national au bout de quelques heures seulement, faute d'accord entre gouvernement et opposants.

"Il y a un blocage du dialogue et c'est grave, car ça risque de faire perdurer dans le temps la situation d'instabilité du pays, face à l'intransigeance du gouvernement", observe José Pallais, ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ex-député de l'opposition.

Daniel Ortega "ne veut pas mettre son pouvoir en danger" et les manifestants ne sont pas prêts à déserter les rues car ils savent qu'en faisant cela, "la dictature se renforcerait et la répression deviendrait plus forte, il y aurait toute une campagne de violence sélective", explique-t-il à l'AFP. La crise "va être longue".

Selon un sondage Cid-Gallup réalisé entre le 5 et le 15 mai, 63% des Nicaraguayens demandent désormais le départ du président.

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