Dix ans après, le douloureux souvenir des attentats de Bombay

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Par Peter HUTCHISON - Bombay (AFP)
Publié le 23 novembre 2018 - 12:31
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Un graffiti commémorant les attaques qui ont touchées Bombay entre le 26 et le 29 novembre 2008
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© Indranil MUKHERJEE / AFP/Archives
Un graffiti commémorant les attaques qui ont touchées Bombay entre le 26 et le 29 novembre 2008
© Indranil MUKHERJEE / AFP/Archives

L'Inde marque lundi le dixième anniversaire des attentats de Bombay, qui ont fait 166 morts lorsqu'un commando jihadiste armé a attaqué la capitale économique du géant d'Asie du Sud du 26 au 29 novembre 2008.

Plusieurs survivants évoquent pour l'AFP ces heures de terreur et reviennent sur l'impact qu'elles ont eu sur leur vie.

. Accoucher en silence

Enceinte, Viju Chavan était en plein accouchement à l'hôpital Cama & Albless la nuit du 26 novembre alors que deux hommes armés écumaient les couloirs du bâtiment.

Pendant qu'à l'extérieur les huit autres membres du commando mettaient la mégapole à feu et à sang, Viju a silencieusement donné naissance à une fille, Tejaswini. Celle-ci a aussitôt été surnommée Goli, "balle" en hindi.

"Nous entendions le son des balles. Nous étions terrifiés et mon fils de quatre ans tremblait de peur. Mon mari et moi-même ne pensions ne pas rentrer vivants à la maison", raconte la femme de 38 ans.

"Nous ne pouvions faire aucun bruit donc j'ai accouché silencieusement dans la douleur. Les infirmières se sont très bien occupées de nous. Elles ont utilisé des lits pour protéger les patients des balles perdues."

"Chaque fois que je regarde Goli, je pense au 26 novembre. Elle est née au milieu d'une telle tragédie. Pour son anniversaire, nous découpons un gâteau et nous nous souvenons de toutes les familles qui ont souffert."

. Éclats de grenades

Nirmala Ponnudurai était sur le point de se marier quand elle s'est retrouvée au milieu de l'attaque de la gare centrale de Bombay par deux jihadistes. "J'ai l'impression que c'est arrivé hier, le souvenir est toujours aussi vif", confie-t-elle à l'AFP.

Les assaillants ont tiré des rafales de balles et projeté des grenades, tuant 52 personnes. "Il y avait un bruit de pétards. J'ai senti une chaleur intense pénétrer mon corps et du sang sur tout mon visage. Il y avait tant de fumée et de chaos".

"Un homme charitable m'a mise avec une personne âgée sur un chariot en bois et m'a tirée jusqu'à l'hôpital. J'avais des éclats dans ma tête, dont un à l'intérieur de mon cerveau".

"Je voulais que mon mariage se déroule donc j'ai pris un vol pour Chennai, me suis mariée le 30 novembre avec l'éclat dans mon cerveau et me suis fait opérer après coup. Mon visage a été paralysé pendant six mois".

"Aujourd'hui, je suis beaucoup plus forte et indépendante. Je vis dans l'instant. Je n'accorde pas beaucoup d'importance aux anniversaires car si je le faisais je donnerais de l'importance aux terroristes".

. Fausse mort

Sourav Mishra savourait une bière avec des amis à l'emblématique Leopold Café lorsque deux hommes armés y ont lancé des grenades et ouvert le feu, abattant dix personnes dont des étrangers.

"L'ambiance dans le restaurant était très joyeuse et positive. Puis soudain il y a eu une explosion et les gens ont commencé à crier et hurler", décrit l'homme de 39 ans.

"J'entendais le +ta-ta-ta+ d'une mitraillette et j'ai réalisé que j'avais été touché. Les gens plongeaient sous les tables mais curieusement je me suis levé et suis sorti dans la rue en titubant".

"Dans le taxi pour l'hôpital, je croyais que j'allais mourir et j'ai commencé à réfléchir sur la vie et à savoir si j'avais été quelqu'un de bien".

"La balle a touché mais n'a pas perforé mon poumon et j'ai été opéré immédiatement pour l'enlever. À l'hôpital, il y avait des cadavres partout".

"Mon nom a été inscrit sur des listes de victimes et nombre de chaînes de télévision ont rapporté que j'étais mort. Mes parents ont reçu un choc lorsqu'un journaliste est venu les interviewer".

"Avant je me mettais en colère à l'approche de cet anniversaire car il ramenait à la surface des souvenirs traumatisants. Mais on ne peut pas continuer à ressasser cette expérience. Il faut avancer et se guérir. J'ai été parmi les chanceux".

. En cuisine

Hemant Oberoi était le chef de l'hôtel Taj, un palace cinq étoiles où des jihadistes se sont retranchés en prenant des otages. Le siège a duré trois jours et fait plus de 30 morts. Les images du bâtiment en feu ont fait le tour du monde.

"C'était une nuit normale, avec beaucoup de réceptions, lorsque les hommes armés sont soudain entrés", se remémore le cuisinier de 64 ans.

"Nous avons essayé de protéger chaque client. Nous connaissions les chemins mieux que quiconque donc nous avons essayé de les regrouper à un seul endroit".

En guidant les clients vers la sortie, les employés de l'établissement ont permis d'épargner des dizaines de vies.

"Nous étions en train d'évacuer lorsque les assaillants ont forcé l'entrée".

"C'est déjà bien que nous ayons pu sauver la plupart des clients, mais certains de mes braves collègues ont été blessés par balles et tués lorsque les hommes armés ont fait irruption dans les cuisines".

"Aller d'une cérémonie funéraire à l'autre fut un moment difficile. Même dix ans plus tard, lorsque les réminiscences reviennent, nous nous souvenons d'eux et de leurs sacrifices."

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