En Bosnie, des migrants et des bénévoles à bout de souffle

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Par Rusmir SMAJILHODZIC - Bihac (Bosnie-Herzégovine) (AFP)
Publié le 04 juin 2018 - 11:41
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A Bihac le 1er juin 2018, des migrants assistent à l'inhumation d'un jeune Afghan qui s'est noyé à la mi-mai dans la rivière Korana, qui sépare la Bosnie et la Croatie
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© ELVIS BARUKCIC / AFP
A Bihac le 1er juin 2018, des migrants assistent à l'inhumation d'un jeune Afghan qui s'est noyé à la mi-mai dans la rivière Korana, qui sépare la Bosnie et la Croatie
© ELVIS BARUKCIC / AFP

"C'est épuisant. On fera le maximum mais nous avons nos limites". A Bihac, dans le nord-ouest de la Bosnie, le responsable de la Croix-Rouge Selam Midzic voit une centaine de migrants descendre chaque jour des bus de Sarajevo.

Ce petit pays pauvre des Balkans est confronté à un afflux croissant de ces voyageurs, majoritairement des jeunes hommes qui entendent rejoindre l'Union européenne via la Croatie, toute proche. Ils espèrent tromper la police croate qui surveille efficacement sa frontière avec la Serbie.

La Bosnie impécunieuse et ses institutions éclatées selon des lignes communautaires ne sont pas armées pour répondre à ce défi et, sous couvert d'anonymat, un travailleur humanitaire se demande si l'aide internationale n'arrivera pas trop tard pour éviter une crise humanitaire.

"C'est le dernier moment pour que l'Etat s'implique" et gère "cette situation de façon organisée", martèle Selam Midzic.

Selon le ministre de la Sécurité Dragan Mektic, 5.100 entrées illégales ont été dénombrées en 2018, tandis que 3.300 personnes ont été "repoussées à la frontière" avec la Serbie et le Monténégro.

Il a indiqué avoir demandé un million d'euros à la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB).

- Téléphones détruits -

Depuis un mois, une centaine de bénévoles distribuent un déjeuner en début d'après-midi dans une ancienne cité universitaire de Bihac squattée par des migrants. Il y a deux semaines, ils en préparaient 200; ils en sont à 550.

Il y a là des familles, mais surtout des jeunes hommes qui font une halte avant de tenter de passer en Croatie. Nawab, un Pakistanais de 26 ans qui ne donne pas son nom de famille, dit être sur la route depuis deux ans: "Je vais essayer de passer ce soir. Je vais aller d'abord en Italie, une fois là-bas je partirai chez mon oncle en Espagne, à Barcelone".

Selon Peter Van Der Auweraert, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), environ 2.500 migrants sont actuellement en Bosnie. Beaucoup passent donc.

Après trois échecs, Hamid, un autre Pakistanais de 27 ans, répète les accusations contre la police croate, dont les ONG ont dénoncé la violence: "Ils nous prennent l'argent, les téléphones, ou les trempent dans l'eau pour qu'ils ne marchent plus."

"Ceux qui réussissent envoient par téléphone l'itinéraire à ceux qui sont derrière", explique un policier bosnien.

"La situation humanitaire empire, les gens arrivent épuisés", dit Peter Van Der Auweraert. "Il y a urgence à mettre en place de logements officiels géré par l'Etat."

Un centre d'accueil a été installé près de Mostar (sud). Mais les migrants ne veulent pas y aller, trop loin de leur route vers l'UE. Deux autres sont prévus, près de Sarajevo et dans le nord-ouest. Mais le ministre Mektic s'inquiète des réseaux de trafiquants.

- Passeurs et réseaux criminels -

"Quand on installe ces centres, ils sont cernés au bout de deux jours par des groupes criminels. Ils prennent mille euros par personne", a-t-il dit. Vendredi, la police croate a annoncé l'arrestation d'un de ces passeurs soupçonné d'être le chauffeur d'une camionnette transportant des migrants sur laquelle la police avait ouvert le feu le 30 mai, blessant par balles deux enfants de 12 ans.

Si sa surveillance est plus difficile, la frontière croate avec la Bosnie est aussi plus périlleuse, entre rivières et relief accidenté.

Vendredi, un Afghan de 21 ans a été inhumé à Bihac après s'être noyé mi-mai dans la Korana, qui sépare Bosnie et Croatie.

"Je l'avais rencontré dans un camp en Serbie. Nous avons tous des rêves. Son rêve était d'arriver en France, mais maintenant il est mort", dit un Afghan de 27 ans sous couvert de l'anonymat.

Selon Zemira Gorinjac, bénévole qui a organisé l'enterrement d'Ihsan Udin, il laisse une épouse et deux enfants de 2 et 3 ans.

Depuis le début de l'année, plus de 80 migrants sont morts sur cette "route des Balkans", entre la Turquie et la Slovénie, selon un décompte effectué par l'ONG Médecins sans Frontières.

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