En Colombie, une arrestation qui peut menacer l'accord de paix

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Par Hector Velasco, Marcela RODRIGUEZ - Bogota (AFP)
Publié le 12 avril 2018 - 11:15
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Près de 18 mois après la signature d'un accord de paix historique pour la Colombie, l'ex-guérilla des Farc pourrait mal réagir à l'arrestation d'un de ses dirigeants pour trafic de drogue, de quoi faire dérailler le processus en cours, préviennent les experts.

Interpellé lundi pour avoir introduit aux Etats-Unis plusieurs kilos de cocaïne, Seuxis Paucis Hernandez-Solarte, 51 ans - plus connu sous le nom de Jesus Santrich -, n'est pas n'importe quel ex-guérillero: il a fait partie des négociateurs de l'accord de paix avec le gouvernement.

- Que risque Santrich? -

Accusé d'appartenir à un réseau international de trafic de drogue, l'ex-négociateur et futur député (à partir du 20 juillet) attend en cellule la décision sur sa possible extradition, réclamée par les Etats-Unis.

Il risque jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.

L'accord de paix protège les ex-guérilleros de toute requête des Etats-Unis mais la justice et le président Juan Manuel Santos soupçonnent Jesus Santrich d'avoir planifié l'opération après la signature de l'accord de paix en novembre 2016, ce qui lui ôterait toute protection.

La justice spéciale chargée de juger les anciens guérilleros (JEP) devra éclaircir ce point. S'il est prouvé qu'il a agi après l'accord, son dossier sera "remis à la justice ordinaire" et on "n'exclut pas la possibilité d'une extradition", selon Patricia Linares, présidente de la JEP.

- L'accord de paix en danger? -

S'il y a un "empressement pour l'extrader" avant que la JEP n'ait pu statuer, "alors ce pourrait être un coup fatal pour le processus de paix", prévient Adam Isacson, analyste en sécurité du groupe de pression sur les droits de l'homme Washington Office on Latin America (WOLA).

"Avec la capture de notre camarade Jesus Santrich, le processus de paix atteint son point le plus critique et menace de tourner au fiasco", a d'ailleurs réagi Ivan Marquez, porte-parole de l'ex-guérilla, aujourd'hui devenue un parti politique, la Farc.

"Il est clair que nous sommes face à un autre montage de la justice américaine tordue", a-t-il ajouté.

Le gouvernement a interprété l'arrestation comme une "crise grave".

Plus virulente encore, l'Armée de libération nationale (ELN), a estimé que cela "piétine la souveraineté nationale, il s'agit d'une gifle aux accords de paix signés avec les Farc".

- Plus de dissidents? -

Même si la majorité des quelque 7.000 ex-guérilleros des Farc ont rendu les armes, 1.200 d'entre eux, selon l'armée, ont refusé l'accord de paix et continuent d'être actifs.

Et parmi ceux ayant accepté de se regrouper dans une vingtaine de zones prévues à cet effet dans le pays, la grogne monte: l'ex-guérilla dénonce l'absence de "conditions dignes" en termes de santé et de logement, ainsi que le manque de réinsertion économique.

"Beaucoup de guérilleros ont l'impression que l'Etat les a trahis et ne respecte pas sa parole envers eux car les projets productifs n'arrivent pas, et parce que beaucoup d'entre eux restent en prison car la loi d'amnistie n'a pas fonctionné", assure à l'AFP Ariel Avila, sous-directeur de la Fondation Paix et Réconciliation.

Les soupçons sur un possible "montage" de la justice américaine "radicalisent la position de certains et cela m'inquiète qu'ils récidivent", dit-il.

Avant même cette affaire, beaucoup avaient repris les armes, souligne Yann Basset, de l'Université du Rosario, qui estime que le gouvernement doit "parler aux guérilleros des Farc démobilisés et leur expliquer les preuves qu'il détient" contre lui.

"Ce qui est en danger, c'est la réaction de la Farc: jusqu'à quel point elle respectera les règles du jeu ou si la capture de Santrich constituera une rupture de ces règles".

- La drogue, sujet de friction -

Premier producteur mondial de cocaïne selon l'ONU, la Colombie est sévèrement critiquée par le président américain Donald Trump, qui se disait en septembre dernier inquiet "face à l'extraordinaire expansion" des plantations de drogue et appelait son homologue à agir.

Le trafic de drogue a longtemps été une source de financement des Farc et ses dissidents continuent d'y être très actifs.

Les experts appellent donc à une justice ferme si M. Santrich est reconnu coupable. "Il est absolument impossible que l'on se moque des victimes et du pays, s'il s'agit de narcotrafic", a déclaré à l'AFP le sénateur Ivan Cepeda, conseiller lors des négociations de paix.

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