En Espagne, le vote féminin décisif aux législatives

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Par Daniel BOSQUE - Nogueira de Ramuín (Espagne) (AFP)
Publié le 26 avril 2019 - 08:45
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Bea Fuertes Miguel et sa grand-mère Antonia posent à Loureiro, un village de la province de Nogueria de Ramuin, le 11 mars 2019
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© Miguel RIOPA / AFP/Archives
Bea Fuertes Miguel et sa grand-mère Antonia posent à Loureiro, un village de la province de Nogueria de Ramuin, le 11 mars 2019
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Loureiro ne compte que 60 habitants. La vague féministe, massive en Espagne, a pourtant atteint ce hameau reculé du nord-ouest de la péninsule, preuve de l'enjeu politique que représentent les droits des femmes avant les élections de dimanche.

Après deux ans de grandes manifestations le 8 mars à travers le pays, les femmes sont "plus décisives que jamais" dans ce scrutin et sont plus courtisées que jamais alors qu'elles sont 40% plus indécises que les hommes, explique à l'AFP Francisco Camas, de l'institut de sondages Metroscopia.

Comme des centaines de milliers d'Espagnoles, les habitantes de Loureiro sont elles aussi descendues dans la rue le 8 mars. C'était la première manifestation de l'histoire de cette minuscule bourgade galicienne, dépendant de la commune de Nogueira de Ramuin.

"On pensait qu'on serait trois pelées, et finalement, il y avait presque la moitié du village. C'est historique!", se rappelle Emilia Pato, 60 ans.

Leur mot d'ordre: "Les femmes du monde rural peuvent aussi aller au bar". Car dans le seul bar du village, les quelques tables sont habituellement occupées par des hommes jouant aux cartes.

"On ne nous interdisait pas d'y aller mais ce n'était pas pour nous", explique Hermitas Rieiro Couto, 58 ans, fière que les femmes de Loureiro se soient "réveillées".

Depuis, elles se réunissent régulièrement et s'impliquent dans des questions municipales jusqu'ici réservées aux hommes, comme un programme de prévention des incendies qui frappent chaque année cette région verdoyante et vallonnée.

"La manifestation a été un point de départ, une graine" d'où a germé une prise de conscience, explique Catalina Santiago, femme énergique de 68 ans revenue passer ses vieux jours dans le village natal de son mari après avoir vécu en Suisse et à Valladolid.

"Nous savons que nous avons aussi de la valeur et que nous pouvons faire les choses beaucoup mieux que les hommes", lance-t-elle.

- "Vote testostérone" -

Cette initiative illustre l'amplitude de la vague féministe espagnole qui a infusé jusque dans l'Espagne profonde, souligne Francisco Camas. "Selon nos chiffres, environ 80% de la population soutenait les grèves féministes de mars 2018 et 2019", ajoute-t-il.

Et la politique en est le reflet. Le socialiste Pedro Sanchez, au pouvoir depuis juin, a nommé 11 femmes sur 17 ministres dans son gouvernement.

Même à droite, le Parti populaire (PP), qui n'avait renoncé en 2014 à restreindre le droit à l'avortement que sous la pression de la rue, "a rejoint, d'une certaine façon, le consensus féministe", indique Silvia Claveria, politologue spécialiste de la place des femmes aux postes de pouvoir.

Ce consensus a toutefois été rompu par l'irruption de Vox, parti d'extrême droite au discours antiféministe virulent qui devrait faire son entrée au parlement.

Un "vote testostérone", pour Francisco Camas selon qui 75% de ses électeurs sont des hommes. Cinquième dans les intentions de vote, Vox frôle la deuxième place dans l'électorat masculin, souligne-t-il.

Signe, selon Silvia Claveria, d'une "contre-attaque anti-féministe".

La montée de Vox a ainsi conduit le PP à revenir à des positions plus conservatrices, une de ses candidates raillant par exemple lors d'un débat télévisé la proposition socialiste d'inscrire dans la loi le consentement sexuel explicite.

Ces déclarations ont suscité la polémique dans le pays qui s'était largement indigné l'an dernier de la condamnation pour abus sexuel et non pour viol de "la Meute", cinq hommes ayant abusé d'une jeune femme à Pampelune et filmé leurs actes.

- Faire pencher la balance -

Dans ce contexte, les femmes pourraient faire pencher la balance dimanche, selon Francisco Camas, alors que le PSOE de Pedro Sanchez se dispute notamment le vote féminin avec Ciudadanos, au centre-droit, qui met en avant son concept de "féminisme libéral" et sa cheffe de file en Catalogne, Inés Arrimadas.

"Selon qu'elles choisissent une option ou une autre, elles pourront donner une majorité" au bloc de gauche mené par les socialistes, dont 55% des électeurs sont des électrices, ou à une éventuelle alliance PP, Ciudadanos et Vox, avance-t-il.

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